RP Eva-Madhi post-renaissance
Après s’être levé une bonne douzaine d’heures après son presque coma éthylique,
Madhi s’était traîné en douce au bureau le plus proche du dortoir, il avait laissé la porte entrouverte, n’ayant pas envie de se planquer, il voulait juste un espace pour faire toutes les choses dont il avait à s’occuper.
Les images d’horreur tournaient encore et encore dans son esprit, mais lorsqu’il était concentré sur plusieurs tâches, il arrivait à ne plus leur donner autant d’importance. Et vu le mal de crâne qu’il se payait, il préférait cette solution à se bourrer la gueule. Même si c’était plus simple et que peut-être il finirait par y revenir. Le fait d’avoir presque perdu
Yuki alors qu’il était incapable de faire quoique ce soit, le poussait à se retenir de mettre la main sur la bouteille. Mais la douleur pourrait redevenir bien plus forte…
Il avait mit toutes les affaires du bureau dans un coin de la pièce, n’y laissant que feuilles et fusains, il en accrocha quelques unes aux murs. Sur ces feuilles, il y avait écrit une séries de mots et parfois phrases qui se suivaient dans un enchaînement de flèches les reliant les unes aux autres.
“Résistance(barrée)” => “Terre” => “guerre(barrée) lutte politico/sociale(en gras)” => “prochaines luttes” => “noble chambre : utilisation des ordinateurs” et “esclavage: analyse et déconstruction du modèle, tuez l’esclavagiste et il en viendra un plus déterminé, retors et ambitieux, tuez l’esclavage et les chaînes se briseront”
Il écoutait en même temps, en boucle les enregistrements qu’il avait pris de
Classis, il n’avait que le son puisque son image n’était pas retenue par la caméra. Il avait transféré les bandes sons sur un magnétophone et écoutait en boucle les passages du jeu et des paroles échangées devant la cathédrale de verre, parlant à voix haute en essayant d’imiter ce qu’il se rappelait de la voix de l’homme au masque.
“
Vous devez finir le JEU, Sens vous a observé.”
Il essayait de faire coller le mot jeu avec le moment précis de l’enregistrement où il parlait de son jeu sur table.
En même temps, il avait un œil attentif sur les plans de son paquetage de médecin spéciale resplioid, il essayait de faire les ajustements qu’il trouvait nécessaires. La réalité du terrain l’avait fait comprendre que les doses n’étaient pas les bonnes.
*De quoi j’ai le plus manqué? De sang, oh oui bon sang! Ce que j’ai manqué de … Un jeu de mots? … Tellement déplacé…*
Il traçait distraitement de nouvelles esquisses pour faire une version plus optimisée. La combinaison devait être parfaite, il ne pouvait pas se permettre de perdre autant de monde la prochaine fois…
A la droite du plan de sa combinaison, reposait une feuille qui comportait de petites entrées, une simple liste, des choses qu’il savait de l’ombre-monde. Avec en titre “penser à utiliser l’ombre-monde !!!”, et dans un coin de la feuille, il avait gribouillé “
Asilis a souri, pourquoi, quelles implications?” mais les tirets des réponses restaient pour l’instant vierges.
Au bout d’un certain temps, et d’un nombre de feuilles raturées, gribouillées, il les rassembla et les tapota contre le dessus du bureau pour rendre les piles plus compactes. Mais lorsqu’il souleva la pile de droite,
Clignement des yeux
il vit une tache rouge sombre se former sur le métal du bureau, elle s’élargissait rapidement, il sentit une sueur froide lui parcourir la colonne vertébrale, dans ses oreilles, des bruits de rafales de mitraillettes, et le cri d’une femme inconnue, le cri d’une agonie atroce.
Clignement
Il regarda la bouteille dans le coin de la pièce, hésitant.
*Non, je dois me concentrer, penser à autre chose, non, en tout cas … pas encore…*
-
_"
C’est comme essayer de guérir une plaie en grattant constamment dessus. Mauvaise idée, Madhi."
Evangeline était appuyée contre la porte du bureau à le regarder avec un air légèrement moqueur. Elle avait guetté son réveil depuis l’aube - elle n'avait pas réussi à dormir beaucoup plus. Espionner, plutôt que guetter, pouvait être un terme plus approprié à la situation… Elle marcha jusqu'à lui et s'accroupit à ses côtés. Elle avait les traits tirés et son visage portait les stigmates de la fatigue.
_"
Mais c’est pas à toi que je vais apprendre que gratter une plaie, c’est pas malin, hum?"
Elle posa timidement sa main sur l’une des siennes. C’était un contact qu’elle ne se permettait que lorsqu’ils étaient seuls, à l’abri, sans personne pour les juger. Et
Evangéline pensait qu’un peu de douceur pouvait peut-être aider son cher et tendre à se calmer. Elle était restée silencieuse un moment avant d’oser se manifester et voir
Madhi dans cet état la laissait quelque peu désemparée. Elle n’avait que sa propre expérience pour appui et elle allait devoir faire avec.
Evangéline prit une courte inspiration, les images de Paris défilant à nouveau sous ses yeux. Les morts, les esclaves… et
Finlongfinger.
_"
On a vu de sacrés horreurs là bas, Madhi, mais on en a aussi évité beaucoup par notre simple présence. Le résultat n’aurait pas été le même avec esprit Alpha ou même esprit Béta. C’est peut-être dur ce que je vais te dire, mais il va falloir que tu commences à comprendre que c'est impossible de ne pas avoir de morts dans une guerre. Tout ce que l’on peut faire, c’est limiter les dégâts… Et nous avons évité beaucoup de perte inutiles. Nous avons sauvé des gens Madhi."
Évangéline avait conscience que c’était maladroit et qu’un empathe comme
Madhi n’avait très certainement pas vécu la situation de la même façon qu’elle, mais… C’était sa vision des choses et elle ne savait pas quoi dire d’autre. Mais ce dont elle était sûre, c’était qu’elle devait être là pour lui. Elle le lui avait promis ce jour là, dans l’ombre monde : dans l’ombre comme dans la lumière. Et ils avaient les deux pieds profondément enfoncés dans les ténèbres.
Evangéline passa ses doigts entre ceux de
Madhi et baissa la tête. Elle marmonna la phrase suivante à voix très basse, mais pas inaudible, comme si elle en avait honte. C'était peut-être le cas…
_"J
e t’en veux de pas être venu me voir directement, pourquoi a t-il fallu que tu te mette dans cet état…"
-
Madhi fut surpris de l’entrée directe d’
Eva, il ne l’avait absolument pas entendu arriver. Il lui lança un sourire doux, chaleureux.
“
Coucou, mon ange.”
Il accueillit la remarque avec une certaine culpabilité, il n’avait pas pris la bouteille et ne s’en était même pas approché, mais il savait très bien de quoi elle parlait. Il détourna le regard de la bouteille et se concentra sur son aimée.
Madhi coupa le magnétophone, enlevant le bruit de fond du bureau, pour se concentrer sur ce qu’elle disait.
Il accueillit avec joie la main d’
Eva, la menant à sa joue et s’appuyant dessus comme si cela avait un pouvoir apaisant, il se détendit.
“
Je sais que tu as raison, je le sais très bien. Pour autant, je n’arrive pas à m’y faire. Je n’arrive pas à considérer qu’avoir perdu moins de gens que ce qui aurait été possible, c’est bien… Mais tu as raison on a sauvé des gens.
On limitera bien plus les dégâts lorsqu’on aura arrêter cette guerre, ni perdue ni gagnée. Et on a probablement une chance inouïe d’y arriver.”
Clignements des yeux
Derrière
Eva, les pans du mur semblait suinter du sang, la porte avait le chambranle en viscères, le couloir semblait noir, le gémissement des blessés en émanait, comme un lointain écho.
Clignements
Madhi pointa le “noble chambre” écrit sur la feuille au mur, la politique allait peut-être enfin servir, tout en secouant la tête pour chasser les visions d’horreurs…
“
Je le comprends, encore plus maintenant, j’étais désemparé, désolé. J’ai perdu pieds et je ne sais même plus très bien ce qu’il s’est passé ces derniers jours, j’en ai vaguement quelques flashs, mes mains dans le sang, à essayer de soigner les blessés, puis cette nuit à l’écart dans Pôle Sud, ou j’ai bu et crié tout ce que j’ai pu pour faire sortir ce qui me possédait, tout ce malheur qui s’accrochait au fond de mon être…”
Madhi était loin de s’en être débarrassé. Aussi il était bien content d’être en présence d’
Eva, c’était apaisant.
“
J’ai eu l’impression que tout n’était que mort autour de moi, j’ai dû éviter de venir te voir, pour soigner les blessés, mais aussi pour que tu ne rentre pas dans ce cercle de mort, je sais que c’était illogique, mais je n’arrivais plus à réfléchir. Je ne pouvais pas supporter l’idée que tu sois dans ce mal-être, pourtant je voulais être dans tes bras. Mais c’est une souffrance tellement intense, que même à mon pire ennemi, si j’en avais, je ne la souhaiterais pas. Alors encore moins à toi.”
Clignements
Les orbites d’
Eva semblent vides, elle pleure du sang, des impacts de balles parcourent son corps, elle est blanchâtre, le froid semble avoir envahi son corps, la vie l’avoir déserté.
Clignements
Eva est toujours là, accroupie à côté de
Madhi qui l’enlace aussitôt, essayant de chasser la vision d’horreur.
“
Je ne sais pas ce que je ferais si je venais à te perdre.”
Il recula pour constater le fin de la vision et le doux visage de son aimée, qu’il caressa de sa main droite.
“
Mais tu as raison, il faut en parler, d’ailleurs, comment tu te sens toi? Désolé de ne pas avoir été là juste après.”
-
Evangéline répondit à l’étreinte de
Madhi. Il irradiait de cette chaleur si agréable et réconfortante qui était la bienvenue à cet instant. Elle posa son menton dans le creux du cou de son cher et tendre.
_"
Je fais avec, comme j’en ai toujours eu l’habitude. Je…"
Elle hésita et pesa le pour et le contre.
Madhi n’était pas du genre à cacher ses sentiments, lui, ou à faire semblant. Il était honnête, lui.
_"
Je me protège comme je peux pour éviter de craquer. Je blinde ce qu’il y a de plus fragile en moi, là où mes ennemis pourraient m’atteindre."
Elle s’écarta de
Madhi, prit sa main et la fit glisser jusqu’à sa poitrine, juste au niveau de son coeur. Il battait à un rythme régulier, lent et hypnotique : celui de quelqu’un sans cesse sur la retenue et qui mettait un point d’honneur sur la maîtrise de soi. Il y eut une légère variation lorsqu’elle plongea dans le regard de
Madhi, mais son palpitant retrouva très rapidement ses marques.
_"
J’ai tout barricadé ici. Je n’ai laissé qu’une toute petite porte pour Yuki et Lyanna, et une un peu plus grande pour toi. Je n’ai pas pleuré la mort de Fabula, ni celle de Sword… Ni celle de tous ces gens. Parce que j’ai choisi de me protéger pour garder le cap et aider les autres à atteindre ce monde idéal qui nous est présenté depuis tout petits. J’ai choisi de me laisser aller vers le vide pour le bien de tous, pour qu’il y ait toujours quelqu’un qui a la force de rester debout lorsque les choses vont mal."
Mais ce qu’elle ne lui disait pas, c’est qu’elle avait déjà pleuré pour lui. Cette fois dans l’ombre monde, après la mort de
Sword, c’était pour lui qu’elle avait pleuré. A Aquacity aussi… Et puis
Yuki… Laisser des portes pouvait jouer des tours, mais elle en assumait pleinement les conséquences. Ses lèvres effleurèrent celles de
Madhi.
_"
Pour préserver la vie, à ma façon."
Elle passa ses mains derrière la tête de
Madhi pour prolonger un peu l’instant, pour faire durer leur baiser qui avait un elle ne savait quoi d’irréel. La porte était grande ouverte et elle laissait s’échapper ce trop plein d’amour qu’elle s’efforçait de réfréner chaque jour depuis ce foutu poème. Ce foutu poème qu’elle avait laissé sous son coussin.
-
Etonné,
Madhi resta sans répondre un instant,
Eva se confiait là-dessus, ce n’était pas courant, elle restait souvent évasive. Elle ne citait peut-être pas toutes les raisons, mais qu’importe, elle osait parler de cela avec lui, il était triste de se faire confirmer ce qu’il savait déjà, mais en même temps ce n’était pas à lui de juger comment
Eva gérait ses émotions. Il était loin d’être un exemple en plus. Il se remémorait juste son air triste et absent qu’il avait vu toutes ces années, elle qui semblait toujours distante, ils étaient tellement proche à cet instant.
Il accueillit le baiser avec joie, et tint la tête de son aimée quelques instants aussi, avant de reculer son visage pour plonger son regard dans le sien.
“
J’admire ta force mon ange, je crois qu’elle est si grande qu’elle en est même intimidante. J’ai aussi l’impression qu’elle te demande beaucoup d’énergie, tu sacrifies beaucoup pour atteindre un sacré objectif.”
Il passa une main sous les genoux d’
Eva, et l’autre derrière son dos, et sans mot dire, il la souleva du sol la portant à bout de bras, laissant
Eva raccrocher ses mains à sa nuque, il la déposa assise sur le bord du bureau, et en la lâchant, il s’assit à côté, les pieds balançant dans le vide, les bras tendus sur le plateau du bureau, il tourna le menton d’
Eva vers lui et il lui déposa un baiser.
“
Je suis si heureux que tu ais laissé ses portes, et si jamais tu veux laisser un peu de ce vide s’échapper, je serais là pour veiller à le remplacer par mon affection.”
Clignements
Un cri long, horrible, aigu, déchira presque instantanément les tympans de
Madhi, suivi des pleurs d’un enfant, et l’impression d’un regard vide, comme deux puits, émanant du mur.
Clignements
Il porta instinctivement sa main au collier de sa mère, étant torse nu, il n’eut pas à le sortir de derrière son uniforme pour une fois, il le tritura nerveusement quelques instants. Il le lâcha au bout de quelques secondes, et il passa sa main dans les cheveux d’
Eva, cherchant à lui masser l’arrière de la tête.
Yuki savait s’y prendre avec les massages relaxants,
Madhi n’avait que quelques notions et toute la bonne volonté du monde, mais il s’y essaya quand même.
-
_"
Oh, tu sais, on fait comme on peut! Et j’ai encore beaucoup d'énergie à consacrer à mes objectifs, j’en profite…"
Évangéline rougit lorsque
Madhi la porta jusqu'au bureau. La situation ressemblait presque à celle que sa mère lui contait le soir. Le prince charmant qui portait sa belle vers un monde idéal. Loin de la guerre et des
Quadrillas. Surtout des
Quadrillas.
Au fond, elle avait envie d’accueillir cette affection débordante dont il avait le secret, mais elle craignait qu'à trop en vouloir elle ne se brûle les ailes.
Quand
Madhi porta sa main à son collier, elle rougit de plus belle, constatant avec “horreur” qu’il était torse nu.
Ah non, hein, arrête stupide cerveau! Elle se frappa le front à quelques reprises du plat de la main avant de soupirer et de mettre sa main dans sa poche. Elle en sortit un morceau de papier jauni plié en quatre.
Évangéline le regarda un instant avant de le déplier et de dévoiler son atroce dessin. Elle passa ses doigts sur les représentations de ses parents.
_"
C’est un peu pour eux qu’on se bat, aussi."
Enfin, quand il passa ses doigts sur son crâne, elle se figea, surprise. C'était à la fois très gênant mais aussi agréable. D’ordinaire, elle ne laissait pas grande monde franchir son cercle de sécurité. Mais avec
Madhi c’était différent. Elle lorgna à nouveau son torse nu. D’ordinaire, la pudeur était une notion abstraite pour elle - se balader à moitié à poil devant
Yuki ne l’avait jamais dérangée - mais bizarrement, là c’était très différent.
_"
Exhib, va." lâcha t-elle avec un rire.
Mais c'était plus pour cacher sa gêne qu'autre chose. Le rose lui monta jusqu’aux oreilles et elle se dépêcha de replier son dessin et de redescendre du bureau.
Ohlala, arrête, arrête gros débile ! Son cœur s’emballait sans raison apparente.
T’es con ou quoi? Elle passa sa main sur sa poitrine. Un véritable tambour.
-
Madhi ne comprit pas pourquoi
Eva se frappa le front à plusieurs reprises, mais elle semblait gênée, aussi il ne lui demanda rien, elle en parlerait si elle voulait, puisqu’ils étaient en train de se parler librement, de se confier.
Il vit le dessin d’enfant qu’
Eva avait sorti de sa poche, et il en fut ému, une telle innocence faisait du bien à voir, il le contempla avec une grande attention. Quelque part il considérait rentrer encore plus dans la vie d’
Eva en ayant l’honneur de voir quelque chose d’aussi personnel, alors qu’elle était si discrète. Il la retint de ranger le dessin quelques instants et passa ses doigts sur les siens en lui souriant, grappillant quelques secondes supplémentaires pour “rencontrer” sa famille.
“
Oui, c’est quelque part pour eux que je ne veux pas me battre, ne pas tuer. Quelque soit le monstre que l’on croit avoir en face, ils ont une famille, ou des gens proches, il y a peu de chances qu’ils soient vraiment seuls, et même si c’est le cas, ils pourraient en fonder une de famille, se faire des amis, vivre tout simplement.”
*Sauf les immortels qui sont condamnés par leur particularité à subir les pertes de leurs êtres chers, leur esprit doit être tellement tourmenté ou déconnecté de la réalité pour surmonter ça…*
Clignement des yeux
Un immense être noir, aux grandes ailes de chauve-souris s’approche de
Madhi, il sort d’un vortex encore plus sombre accolé au mur. Ses longues griffes viennent caresser, le menton de
Madhi, il le regarde d’un regard vide, mais il n’y a pas besoin de mots, il est là pour voler les espoirs du jeune homme, tant qu’il est là, tant que ce qu’il représente sera là, il n’y aura pas de paix pour le coeur du bug.
Clignements
Le mur est plat, froid et en métal uni.
Madhi a du mal à comprendre ce que vient de lui dire
Eva, “
Exhib?”, comment ça? La vision n’aide pas le jeune homme à se concentrer, mais en regardant son torse il comprend enfin, mais étonné de voir que cela fait réagir
Eva, cependant il laisse échapper un.
“
Ah?”
Il se lève du bureau et regarde dans la pièce, sur un porte-manteau traîne un vieux blouson, qui n’a pas spécialement de symbole militaire, il s’en saisit et le met sur les épaules, refermant les boutons les uns après les autres, tout en faisant face à
Eva.
“
Et puis je fais d’étranges cauchemars en ce moment, même éveillé, ça t’arrives aussi?”
-
Oui, n’importe quel monstre, aussi horrible qu’il pouvait être avait eu ou aura un jour une famille. Ca
Evangéline pouvait le lui accorder sans soucis. Mais les actes de certains étaient impardonnables, famille ou pas, et méritaient d’être jugés à la hauteur de leur gravité même si la sentence s’avérait être la mort. Elle regarda
Madhi se couvrir, un petit rictus songeur teinté de regret peint sur son visage.
Evangéline fronça les sourcils lorsque son cher et tendre évoqua ses cauchemars. Elle lui prit les mains et les serra - un peu fort peut-être.
_"
Eh, je suis là si tu veux en parler. J’ai la chance d’y échapper, mais tu ne dois pas affronter ça tout seul, d’accord ?"
Une idée lui traversa l’esprit. Bonne ou mauvaise, elle n’en avait aucune idée, mais elle était la seule pour l’instant. Elle dut se faire violence pour une partie de son évocation.
_"
Tu veux en parler avec Yuki ? ... Sauveuse ? Peut-être qu’elles pourront faire quelque chose si c’est trop dur pour toi…"
Elle serra à nouveau les mains de
Madhi, prise par l’inquiétude. Sa sensibilité constituait à la fois sa force et sa faiblesse, mais là elle risquait fortement de lui jouer des tours. De très mauvais tours. Le prénom de sa rivale avait une saveur amère, mais
Madhi restait et resterait sa priorité.
-
Madhi vit
Eva réflechir à ce qu’il avait dit, elle semblait dubitative, mais comme souvent elle cachait bien ses émotions, à part un petit air de regret, elle ne devait pas être tout à fait d’accord avec lui sur les deuxièmes chances. Mais
Madhi ne croyait pas forcément à toutes les deuxièmes chances, les immortels en avaient largement dépassé le nombre. Juste qu’il ne voulait, ne POUVAIT pas tuer, pour plusieurs raisons, dont certaines qui lui étaient consciemment inconnues.
“
Ce n’est pas parce que j’en parle peu que je l’affronte tout seul, vous êtes toujours là, tu es toujours là. A chaque fois que l’on est ensemble, c’est comme m’aider, tu n’as pas besoin de faire d’efforts, juste à être toi, tu m’apaises comme un baume. Je ne te demanderai pas de changer quoique ce soit, mais si on peut passer un maximum de temps ensemble j’en serais très heureux.”
Madhi haussa les épaules.
“
Si le sujet vient sur le tapis pourquoi pas, et je ne doute pas que ça le fera, là me maintenir occupé, c’est un peu le meilleur truc à faire…”
Clignements des yeux
Toutes les feuilles au mur affichent des mots comme “mort” “massacre” “inéluctable” “boucher” “charnier”; le sol est couvert d’une écume rouge-brunâtre, les vaguelettes de sang refluant de dessous les murs.
Clignements
Madhi saisit
Eva dans ses bras et posa sa tête sur la sienne, la serrant affectueusement, un peu sèchement, sous le stress.
“
Là par exemple, ça vient de me le faire.”
-
Passer du temps avec lui, c’était tout ce qu’elle voulait, et elle profitait de chaque moment que la vie pouvait leur accorder.
Evangéline se crispa, les yeux grands ouverts de surprise quand
Madhi saisit sa tête. Elle posa ses mains sur celles de son aimé dans une vaine tentative de le rassurer.
_"
Qu’est-ce que tu as vu ?"
Sa voix était sèche, pressante. Elle avait réellement envie de partager son fardeau.
Chacun une poignée, comme ça, c’est moins lourd ! s’exclamait son père quand il aidait sa mère à porter quelque chose. Là, pour toute poignée, elle avait sa propre présente.
_"
Décris moi ce que tu as vu. Donne moi des détails, autant que tu peux."
Elle était prête à écouter, à essayer de comprendre pour l’aider à avancer.
-
Un grand haussement d’épaules,
Madhi voyait difficilement comment décrire cela. Pour l’instant, ces brefs sauts dans un imaginaire horrible ne lui provoquaient que des frissons, et leur fréquence ne lui procurait pas autant de peur que de choc. Mais c’était déjà éprouvant.
“
Et bien, c’est assez difficile, ça tourne beaucoup autour de la mort, du tourment, je vois du sang, des mots, j’entends des cris, il y a souvent un monstre ailé responsable de tout cela, il est toujours différent, mais j’ai l’impression que le modèle de base reste bien FinlongFinger. Et parfois c’est bien plus cauchemardesque que des suggestions sinistres. Mais à ce moment là, je ne perçois plus la réalité. Mais je suis conscient d’être dans l’irréel…”
Madhi se retenait presque de cligner des yeux instinctivement, pour rester dans cette réalité, où
Eva lui réchauffait le coeur et allait bien. Il se leva, se forçant à sourire, pris deux crayons et en tendit un à
Eva, désignant les feuilles au mur.
“
Tu m’aides? J’aimerais bien avoir ton avis sur ce qu’on va bien pouvoir/devoir faire maintenant que la guerre passe en politique. Tout en discutant des cauchemars si tu veux.”
Il eut un petit sourire en coin, à moitié timide, à moitié espoir.
“
Et si on veut passer un maximum de temps ensemble, ça sera peut-être plus facile si on arrête de le cacher ?”
L’air anodin de sa question sonnait faux, mais il tentait quand même.
-
Evangéline s’empara du crayon après un moment d’hésitation. Elle n’était pas vraiment férue de politique et n’y connaissait pas grand chose. Depuis gamine, elle s’était efforcée de devenir un chien de l’armée, bien obéissant et qui ne contestait pas les ordres. Du moins, en apparence, car elle cherchait surtout à lutter pour un idéal et n’irait jamais à l’encontre de celui-ci.
Elle s’approcha du bureau sur lequel elle s’appuya à deux mains. En pleine réflexion, ses yeux parcourant à toute vitesse les notes de
Madhi,
Evangéline faisait rouler le crayon entre son pouce et son index. Elle pointa du bout de la mine la phrase “tuez l’esclavagiste et il en viendra un plus déterminé, retors et ambitieux, tuez l’esclavage et les chaînes se briseront” puis opina tristement.
_"
Tu as raison sur ce point. Mais dans un premier temps, nous allons certainement atteindre l’esclavagiste et faire ce qu’il faut pour que les choses ne se répètent pas. Et oui, nous sommes bien au beau milieu d’une lutte politique… Nous allons servir de bras armés aux plus influents."
Evangéline posa ses yeux sur
Madhi.
_"
Je sais que tu ne fais pas confiance à FinlongFinger, tes visions cauchemardesques ne font que confirmer ce point... Il a fait des choses horribles, je te l’accorde, mais il essaie d’agir pour le bien de la Résistance. Pour le bien de la Terre. Maladroitement et avec ses propres méthodes discutables, mais il essaie. De plus, faire partie de sa garde personnelle est une force : nous sommes en première ligne pour limiter les dégâts qu’il cause, Madhi. Les éviter même ! Je sais que tu ne vois pas notre statut d’un bon œil, mais réfléchis : nous sommes dans la gueule du loup, mais nous pouvons en tirer notre épingle du jeu. Ce loup, nous pouvons le garder à l’oeil."
Elle inscrivit un mot en gros caractères et insista sur les lettres pour les mettre en gras. Séléné. Elle tapa le mot avec le dos de son crayon et croisa les bras sur sa poitrine.
_"
C’est là que tout va se jouer. Je pense que nous en apprendrons beaucoup plus que ce que nous le pensons là bas… À nous de faire le nécessaire pour y parvenir."
Puis, les lèvres d'
Evangéline se retroussèrent en une moue désolée. Elle détourna son regard de celui de
Madhi.
_"
J’aimerai te dire oui, pour nous deux, d’arrêter de se cacher. Mais dans un merdier pareil et aussi tendu, je pense que nous allons devoir attendre… Au moins le temps de constater ce que Séléné nous réserve. Le Quadria a dit qu'il fallait terminer le jeu et la politique est bien l’un des pires et des plus fourbes. Nous n’avons pas le droit à l’erreur… Et nous deux au grand jour ça serait compliqué dans ces conditions."
Elle tendit son crayon à
Madhi avec un sourire attristé. Ce n'était que partie remise, ou du moins elle l'espérait sincèrement. Et elle préférait aussi repousser la discussion fatale avec
Lyanna.
-
“
Aussi pressé que je sois de rendre les gens à nouveau maître de leurs choix, enfin , de faire en sorte qu’ils ne soient plus terrorisés pour les forcer à faire le même choix de servitude. Si on s’en prend à l’esclavagiste, l’un d’entre eux, cela va juste mettre tous les autres sur la défensive. Il faudra la jouer finement pour réussir à arrêter la machine. Et j’ai bien peur de mes propres réactions si l’on se confronte encore à des esclavagistes.
En gros, je suis très mal placé pour dire ça, mais faudra agir la tête froide.”
Sachant à quel point il était le plus impulsif du groupe, il eut un ricanement ironique.
Madhi imaginait déjà foiré ses propres idées sous l’impulsion, il allait devoir faire un sacré effort.
“
On est d’accord, mais je pense qu’on se fera expliquer un peu ce qu’il s’y passe. Si je pars encore trop en extrapolations, ça risque de juste m’embrouiller, comme à Paris.”
Clignement des yeux
-
Clignement forcé
“
D’accord, je suppose que tu as raison …”
Madhi haussa les épaules en reprenant le crayon des mains d’
Eva, ça ne changeait pas grand chose, dans le fond. Et la stabilité était assez rare en ce moment pour s’y accrocher et trouver encore un peu de familier dans ces évenements de fous.
Chacun improvisera de son côté et extrapôlera de son côté, et les réactions se feront sur place. En fait, il était impossible de tout prévoir, encore une fois, Delta serait emportée par les évenements et réagirait sur place.
Il posa le crayon sur la table, enleva les feuilles des murs et les rangea dans un tiroir. Puis il invita
Eva à sortir de la pièce, pour aller faire quelque chose ensemble, sans montrer de signes extérieurs de leur relation. Pendant qu’ils le pouvaient encore, Séléné, c’était pour bientôt…