Bliss Stage : L'espoir est notre meilleure arme [Fermé]

Egide avait escaladé le mur intérieur de l’écurie, enfin l’écurie, ce qui en faisait office… A peu près à un mètre du plafond, il y avait une petite lucarne, une vitre laissait passer la lumière de l’aube, les reflets dorés perçants les relatives ténèbres des lieux.
L’odeur forte des chevaux ne l’incommodait plus, il s’y était habitué à force. Le monde de maintenant ne sentirait jamais tout à fait bon, c’était même plutôt louche quand aucune odeur ne régnait dans l’air.

Il avait rejoint cette hauteur en empilant des vieilles caisses sur une table pour grimper. Il ignorait à quoi elles avaient bien pu servir, mais deux barres de fer épaisses sortaient de chaque côté de l’angle du mur, elles étaient cependant assez éloignées pour qu’il puisse y installer son hamac. Un noeud constricteur (gansé) triplé sur chaque barre et le tour était joué, son poids et le balancement ne ferait rien bouger, et il suffisait de tirer sur la ganse pour le défaire.

Il s’installa dedans et testa le confort de ce dernier, bien que, extrêmement usé, c’était une acquisition relativement récente auprès des Céthons, enfin, avant qu’ils ne coupent les ponts. Il allait pour s’endormir, mais la lumière le fascina, il se remit assis dessus le hamac, et remettant ses lunettes en place de son tic habituel, il se mit à regarder rêveusement, le lever de soleil, tant que cela ne lui brûlait pas encore les yeux.

-

L’intérieur de l'étable, bien que sobre, était très bien entretenue. Erin y mettait un point d'honneur. Chaque chose était à sa place, y compris la petite demoiselle qui passait ses nuit allongée dans la paille, tout contre Spirit. La bête, un grand pur sang arabe à la robe caramel, était pour ainsi dire son meilleur ami. Réveillé par le remue-ménage d’Egide, l’animal tourna son immense tête vers le visage d’Erin et souffla. Cette dernière soupira.

_Spi…

Il recommença, un peu plus fort, avec un hennissement contrarié. La jeune fille ouvrit un œil.

_T’es sérieux ? Il est quelle heure?

Erin se redressa dans un premier temps sur ses fesses en s'étirant allègrement. Elle n'était pas particulièrement lève tard, mais bon, cet imbécile de cheval en avait décidé autrement. Elle se leva après avoir longuement frotter ses yeux, puis se mit à caresser Spirit avec une extrême tendresse.

_Alors, qu’est-ce qui t’arrive ? Envie d’une balade.

Il souffla. Elle prit ça pour un non, mais le mystère restait entier. Il la dévisageait de ses grands yeux bruns brillants, sans plus de réaction. Elle posa un baiser sur son museau après un petit haussement d'épaules.

_Je vais en profiter pour aller remplir l’abreuvoir, je reviens, lui confia t-elle.

Elle leur parlait comme elle l’aurait fait avec n’importe quelle autre personne du camp. Ils étaient des survivants à part entière et partageraient leur calvaire.
Elle fit volt face pour exécuter la tâche qu’elle s'était imposée. Elle ouvrit le portillon du box de Sourit et le poussa sans le verrouiller. Ni une ni deux, elle se dirigea vers le fin fond de l'étable pour s’emparer d’un sceau qu’elle prévoyait de remplir dans la réserve.
La jeune fille marqua un temps d’arrêt avant de repartir. Ce hamac n’était pas là, hier, se dit elle. Et ce qu’il contenait non plus. Elle s’approcha de son camarade sans chercher à se camoufler, avec son énergie habituelle malgré une heure aussi matinale. Son visage était illuminé par un très grand sourire et elle lâcha avec la plus sincère gaieté :

_Salut Égide !

Elle était juste au dessous de lui, et une grosse bête poilue aux yeux bruns se joignit à elle pour saluer ce brave fainéant.

-

Il avait entendu distraitement du bruit, mais rien d’anormal avec des chevaux dans l’étable, ils reniflaient, bougeaient, tapaient du pied occasionnellement. Mais il avait déjà réussi à dormir ici, il s’était habitué au bruit. Mais l’interpellation enjoué d’Erin le prit par surprise, il perdit l’équilibre et faillit dégringoler de son hamac, agitant les bras dans les airs, se rattrapant de justesse un pied sur la dernière caisse.

“Woooow”

il se remit tranquillement en position assise, bien enfoncé dans le hamac, puis en remettant ses lunettes en face des yeux (heureusement qu’elles étaient attachées), il plissa légèrement des yeux pour voir qui était en bas, il afficha un sourire, peu surpris.

“Salut ‘Rin, désolé je ne savais pas que tu étais là. Mais j’aurais dû m’en douter. Je t’ai réveillé?”

Il leva les bras et s’étira, baillant en grand il essaya de recoiffer une mèche qui lui tombait dans les yeux. Il regarda le cheval, d’un air bien neutre et dit nonchalamment.

“Et salut Marron.”

-

Erin secoua vivement la tête. Elle posa son sceau et leva les mains en l'air, l'une plus haute que l'autre.
_En fait non, t'as réveillé Spirit, commença t-elle en bougeant la main surélevée, qui lui m’a réveillée.

Elle ponctua sa phrase en unissant ses mains. Une simple relation de cause à effet...
Soudain, elle prit un air faussement grave.

_Attention avec Spi, faut pas trop l'embêter, sinon il râle.

La jeune fille avait dit cela tout en grattant les oreilles de l'animal, qui regardait l'individu à quatre yeux d'un air suspicieux. Il avança sa tête vers Égide, et lorsqu'il fut assez près, souffla de ses naseaux en aspergeant le pauvre garçon de morve équine. Erin se précipita vers son camarade, toutes mains tendues, les yeux agrandis par la gêne.
_Oh Égide ! T'es tout dégueulasse maintenant !

Spirit avait déjà fait demi tour, vengé d'avoir été réveillé aux aurores.

-

Le manège du cheval surpris l’adolescent, mais comme il était toujours en hauteur, les miasmes du grand mammifère ne lui arrivèrent que sur les jambes et les pieds, ce qui était suffisant pour le salir cela dit. Après une moue de surprise, il haussa les épaules en penchant la tête sur le côté.

“Baaaah, c’est quand la dernière fois qu’on a vraiment été propres?”

Il descendit lentement des caisses, une à une, et une fois arrivé au niveau de la table, il se baissa, puis fit un léger bond, amortissant parfaitement sa chute. En se relevant il ajusta méthodiquement ses lunettes, il esquissa un mouvement vers le sceau que tenait Erin, c’est ce que l’on aurait pu croire au premier abord en tout cas. Il attrapa surtout le linge à peu près propre derrière elle et s’essuya les postillons du canasson. Il se tourna vers la pile électrique de la communauté et croisant ses bras, il se pencha légèrement de côté.

“Je t’ai pas réveillé en plein rêve au moins? Enfin je veux dire les vrais, “bons” rêves. Je sais qu’avec la reconnaissance d’avant-hier on est tous crevés et qu’on dort plus facilement comme des souches, mais sait-on jamais. Toi, tu pètes toujours la forme.”

Une fois qu’il eut fini avec le torchon, il le reposa sur le rebord qui accueillait précédemment, il commença à ouvrir la marche, Erin voudrait sûrement finir par remplir ce seau de quelque chose.

-

Erin emboîta le pas d’Egide, qu’elle finit par doubler en sautillant gaiement. Toute trace de fatigue avait disparu de son visage rond et lumineux. Elle avait le pas léger, joyeux, et rare contraste avec les temps actuels. Son sceau brinqueballait dans un sens et dans l'autre, l'accompagnant dans son pas vif. Il allait à droite, à gauche, à un rythme presque hypnotique.

_Alors, c'était comment hier? J'ai entendu dire que vous avez repoussé un gros Autre !

Arrivée à destination, elle s'arrêta devant le bidon de récupération d'eau et commença à remplir son précieux sceau.

_Vous êtes trop trop forts vous les pilotes !

Ses grands yeux brillaient d'une admiration sincère, à la limite du candide. Elle mima une altercation contre le vide, boxant l'air comme une déchaînée.

_Vous êtes là en mode : bam, bam, boum tu me fais pas peur !

-

La pile électrique s’était réactivée, Egide sourit à l’idée que finalement ils n’avaient pas besoin de panneaux solaires pour avoir de l’énergie. Il regardait le manège d’Erin trottinant vers le point d’eau.
Lorsqu’elle commença à parler de l’expédition contre l’Autre dans le rêve, Egide parut songeur, il n’avait pas participé à celle-là, mais il aurait bien voulu. Non pas forcément pour combattre l’Autre, mais il adorait piloter l’Anima.
Son admiration était touchante, autant qu’elle garde cette image, qu’elle embellisse la vérité, ça la préserverait. Mais il était possible que ça ne se passe pas aussi bien dans le futur. Egide se remémorait les essais … Il était bien content de ne pas avoir été le premier choisi et de ne pas avoir fini comme lui…

“C’est vrai que Dany n’a pas peur, il y est allé franchement. Tu demanderas à Cécile, mais apparemment, j’étais à côté et ça bastonnait sévère.”

Egide regardait le seau d’eau en train de couler dans le bidon de récupération tandis qu’Erin boxait dans les airs, cela l'amusait et il décida de jouer un peu aussi. Il se rapprocha d’Erin et se mit face à elle, esquivant un coup de poing premièrement destiné au vent. Il fit un sourire énigmatique et rêveur, passa sa main droite dans les cheveux d’Erin pour délicatement les remettre derrière son oreille. Il approcha son visage et fit glisser ses doigts sur le cou de la jeune fille. s’y arrêtant quelques instants.

“Non tout va bien, j’ai cru un instant, mais ton pouls est normal.”

-

Erin le regarda avec de grands yeux candides plein d’incompréhension.

_C’est à dire?

Puis, une sensation d’humidité la fit tressaillir et elle se précipita sur le sceau qui débordait. Elle se dépêcha de fermer le robinet.

_Tu diras pas aux autres hein? C’est du gaspillage ! Ouhlala, c’est pas bien, je suis pas concentrée, comme elle dit Gwenaëlle. C’est pas ouhlala… Ouhlala…

Elle soupira, poings sur les hanches à regarder fixement son sceau. Elle se tourna vers Égide.

_Je suis une boulette.

Après un haussement d'épaules, elle se pencha pour ramasser le sceau et poussa une exclam de surprise. Elle l’avait tellement rempli qu’il s'avérait vraiment très lourd. Elle fronça les sourcils, lèvres pincées, et puisa dans tout son corps la force nécessaire à soulever son fardeau.

_Yaaaaaaaah! hurla t-elle en soulevant le sceau.

L’eau bloblotta avant de se calmer. Mais ce n'était pas tout… il fallait avancer et ça ne s'annonçait pas une mince affaire.

_Par la force des Animaaaaa !

Elle souriait dans l’effort, de ce sourire radieux et candide des gens à la vie simple, qui ne se prennent pas la tête.

-

Egide vit son petit jeu échouer, il leva un sourcil et eut un petit sifflement du nez amusé, un peu déçu aussi. Il ne savait pas trop quoi rajouter de plus, n’ayant plus la main. Il regarda la jeune fille se dépatouiller avec son seau. A aucun moment ne lui vint l’idée de lui donner un coup de main, elle semblait tellement heureuse de juste … faire les choses, pourquoi l’en priver? Mais pas question de ne plus jouer pour autant.

-”On ne gaspille pas l’eau en général, ne pas le dire aux autres? Faut voir … ça dépend, contre quoi?”

Egide vint se positionner à côté d’elle pendant qu’elle déplaçait le seau d’eau, un pas après l’autre, toute concentrée sur son action. Il posa sa main sur le bras d’Erin en faisant mine de mesurer le muscle, il feint une moue d’approbation exagérée en penchant la tête de côté.

-”Ani-pas-maaaaaal.”

-

Erin sourit, flattée. Elle était fière de ses gros muscles bien saillants… ou pas. Elle banda ses muscles, concentrée pour qu’ils soient les plus durs possibles. Quant à sa première question, elle ne savait trop quoi y répondre. Erin leva les yeux vers le haut, témoignant d’une intense réflexion.
Sans se démonter, elle posa le seau, plaça ses mains sur les joues d’Egide et lui plaqua un gros smack sur la bouche. Elle avait déjà vu Cécile et Dany faire ! Apparemment ils avaient l’air contents.
Ceci fait, elle recula, poings sur les hanches.

_C’est bon? Sinon tu peux toucher mes tétés. À ces mots, elle porta ses mains à sa poitrine naissante. Elle semblait vraiment très sérieuse.

-

Il la regarda réfléchir, se demandant bien ce qui pouvait se tramer dans son esprit bouillonnant. Il la vit poser le seau et lorsqu’elle “l’embrassa” il fit de grands yeux ronds de surprise. Avec un mouvement de recul, il constata l’innocence de la jeune fille et sa proposition suivante le marqua encore plus, il ne tint plus et éclata d’un grand rire en applaudissant fortement.

“HAHAHAHAHA”

Il essuya une larme de rire et replaça instinctivement ses lunettes juste après ça, il entendit que les chevaux réagissait, c’est vrai qu’il venait d’être très bruyant si tôt le matin. Il regarda de nouveau Erin et haussa les épaules, toujours hilare. Il approcha ses mains du buste de la jeune fille et en s’approchant, il passa ses bras autour d’elle, un derrière le dos, l’autre sous les cuisses. Il leva la jeune fille du sol et courut pour la jeter dans le premier tas de paille venu. Suite à cela il trempa une main dans le seau d’eau et lorsqu’Erin put émerger de la paille, il projeta des gouttes sur le visage de la jeune fille en dépliant ses doigts.
Il s’accouda à une barrière juste à côté et regardant brièvement le plafond, il articula très calmement.

“Il faudra faire attention quand même Erin, parfois tu ne réalises pas tout à fait les conséquences de ce que tu proposes. C’est juste un seau d’eau trop rempli...”

Il la regarda, attendri, désarmé, son côté franche et innocente l’avait touché plus qu’il ne le pensait.

-

Toute recouverte de paille, elle affichait un air penaud, désolé. Elle leva vers Égide des yeux humides en se triturant les doigts de frustration.

_Désolée, je le ferai plus. Je croyais que c'était bien, moi, les bisous. Dany et Cécile ils sont tout contents quand ils se font des bisous. Après ils ont l’air tout léger, comme des morceaux de nuages. Mais c’est vrai que c’est baveux un bisous. Alors peut être que tu aimes pas la bave.

Au fur et à mesure de son discours, la tristesse s’envolait comme par magie, purement et simplement oubliée pour redevenir le concentré de bonne humeur qu'elle était au quotidien. Elle haussa les épaules avec un sourire timide.

_Tant pis, tu verras avec Alice. Ou Cécile si Dany il accepte de prêter. Moi je vais continuer de faire des bisous à Spi. La prochaine fois je proposerai une balade.

Silence d’Erin.

_Oui une ballade c'est bien! C’est très bien même ! Promis, plus de bisous! Et je garde mes tétés.

Elle se leva et tenta de se défaire de la paille qui recouvrait ses vêtements par quelques mouvements de la main. Rien n’y faisait, il en restait tout autant. Elle haussa à nouveau les épaules.

_Tant pis.

Une éclair passa dans ses yeux.

_Ouhlala mais j’ai encore du travail ! Mon sceau, vite!

Elle détala en direction de la précieuse eau qu’Egide lui avait fait abandonner en cours de route. Ouhlala, quelle fâcheuse idée ! Elle prit la hanse à deux mains. Souffla une fois, deux fois, et souleva.

_Yaaaaaah-ouhlala c’est lourd!

Mais Erin ne s’avoua pas vaincue. Elle avait des gros, gros muscles. Elle était forte comme Gwenaëlle ! Un pas après l'autre, elle gagna l'étable en semant quelques gouttes derrière elle.

-

Décidément, Egide s’y prenait comme un pied avec Erin, après peut-être que ça lui éviterait des mésaventures à l’avenir. S’il fallait être frustrant pour arriver à ça, pas de problèmes. Il se demandait bien comment elle avait pu faire passer sa bonne humeur intacte à travers l’océan de catastrophes que représentait le monde actuel, mais cela forçait l’admiration.
Il la laissa parler, tel le moulin qu’elle était, la conclusion de son discours se révéla bien plus joyeux et rassurant, surtout la partie sur sa poitrine. Il n’était pas du genre à coincer sur les moeurs, ooooh non, mais encore fallait-il comprendre ce que cela impliquait. Il n’avait pas de doute sur la bienveillance des Puisards, mais qui sait ce qu’elle affrontera à l’extérieur.

-”C’est très bien les bisous, surtout quand on comprend et on y met de la valeur dessus. Le problème ce n’est pas la bave …”

Il grimaça un peu à l’idée de la balade, les animaux ce n’était pas vraiment son truc, et ces derniers le ressentaient souvent. En plus, sortir en extérieur pour rien, c’était prendre des risques, mais bon, on peut toujours y coupler de la cueillette … une corvée quoi …

-”Non le bisou ça me va comme échange, je dirais rien pour le seau, tu travailles bien Erin, n’en doute pas. Que tu travailles bien, c’est ça que je dirais à Martin.”

Il se détacha nonchalamment de la barrière à laquelle il s’était accoudé. Il rejoint Erin en train de porter son seau, vaillante comme tout, il lui déposa un léger baiser à la commissure des lèvres et s’en alla dans l’autre sens, vers son hamac. En passant devant la pile de paille, il se jeta à l’intérieur avec un grand sourire. passant quelques secondes à en apprécier le moelleux, puis se relevant, il alla détacher son hamac.
Aujourd’hui encore, il fallait trouver un trésor d’ingéniosité pour tirer au flanc tranquillement…

10, 11 et 12 juillet 2026

Égide était violent...
J'ai eu tellement peur dehors...
Alice est si douce...
Cédric nous a protégé...
Je ne veux plus grandir...



"C'est...
Chaud, c'est chaud et j'ai froid
Et ça pique et ça va dans mes veines
Je tremble
Je tremble et je ne pense à rien
Rien, rien, c'est trop dur pour moi
Car je pense donc je suis
Je suis sûre que le monde est cruel en dehors de ma tête
Alors je m'invente un monde qui s'arrête
A chaque fois que le temps me manque
Je manque de confiance, je manque de chance
Pas d'chance

[Refrain]
J'attends, j'attends encore, comme si en dépendait ma vie,
Ma mort,
Et je sais que je n'y échapperais pas
Que j'ai deux battements de coeur ou trois...
Je sens que je m'endors, que je me rapproche un peu plus de
ma mort
Et là je m'invente ce monde parfait où mon coeur battrai
juste comme il devrait

C'est bon, c'est bon je sais que la vie est injuste mais
qu'on s'y fait
Et qu'on vit pas tous dans des contes de fée
Et qu'on a pas tous ce qu'on mériterai...
Mais c'est pas une raison pour tout abandonner
Et donner raison au corps qu'on m'a donné
Ou perdre raison à forcer de tenter
La grande évasion et risquer d'y rester

[Refrain]
Alors j'attends, j'attends encore, comme si en dépendait ma
vie,
Ma mort,
Et je sais que je n'y échapperais pas
Que j'ai deux battements de coeur ou trois...
Je sens que je m'endors, que je me rapproche un peu plus de
ma mort
Et là je m'invente ce monde parfait où mon coeur battrai
juste
comme il devrait

J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur, j'ai peur...
J'ai peur à l'intérieur de cette barque
Et j'ai peur qu'on me largue sans rien
Entre l'au-delà et mon autre destin
Toutes les nuits j'attendrais le matin
Et toutes les nuits j'attendrais le moment
Où mon petit coeur sera devenu grand
Où ce foutu noir sera devenu blanc
où tout mes espoirs s'en iront gentiment...

[Refrain]
Alors j'attends, j'attends encore, comme si en dépendait ma
vie,
Ma mort,
Et je sais que ma mort arrivera
Que j'ai deux battements de coeur ou trois...
Je sens que je m'endors, que je me détache un peu plus de
mon corps
Et là je m'invente ce monde parfait où mon coeur
battrai…”

Nuit du 11 au 12 juillet 2026

Le cauchemar de Dany avait réveillé Cécile. Elle avait le sommeil léger depuis la naissance de Jamie, craignant à chaque seconde qu'il puisse lui arriver quelque chose. C'est pourquoi, environ 2h plus tard, quand son fils toussa, ses yeux s'ouvrir immédiatement. Elle se leva tout doucement pour aller vérifier que son enfant aille bien.
Il était endormi calmement, avec sa petite bouille angélique qui avait l'art de la faire fondre.
“- chaque cellule de mon corps est faite pour t'aimer et te protéger” lui chuchota-t-elle, passant doucement ses doigts sur sa joue toute douce.

Se retournant vers le lit pour regagner sa place, elle trouva Dany endormi d'une façon presque aussi mignonne que Jamie. Elle s'assit sur le bord du lit, savourant ce moment où elle les savait en sécurité tous les deux.
Passant doucement les doigts dans les cheveux noirs de son homme, elle murmura.
“- J'ai cru te perdre aujourd'hui. Une vie sans toi n'aurait plus aucun sens. Ce monde a beau n'être plus qu'un champs de ruine, à tes côtés il est un paradis. Et un paradis sans toi ne serait qu'un enfer.
Tu te rend compte ce que tu fais de moi ? Je ne pourrais sortir ces niaiseries pour aucun autre homme.
Peu importe le berceau, peu importe Gwen et les autres. Je les affronterai tous un à un pour vous protéger. Vous êtes toute ma vie.”

Cécile resta un moment ainsi à regarder Dany. Elle aurait voulu le réveiller afin de qu'ils profitent d'un moment seuls, avec toute la maisonnée endormie. Mais sa mission l'avait épuisée, cela n'aurait pas été raisonnable. Elle se contenta de se coller à lui, et s'endormir avec la pensée qu'elle se réveillerait à ses côtés.

C’était le grand jour pour Thibaut et André. Gwen s’est enfin décidée à leur donner leur première mission. Un ANIMA a été repéré non loin de Gardanne et il fallait le neutraliser, une mission de routine en somme… Enfin si on peut parler de mission de routine dès qu’il s'agit de l’ANIMA… Après tout, on le sait tous au Puit, les missions sans imprévu sont rares, même pour les plus simples. Enfin bref, pour une fois, tout s’est passé sans accroc. Thibaut a exécuté la mission rapidement et avec un minimum de casse et André a très bien su canaliser le tempérament fougueux de notre jeune pilote. Ils font vraiment la paire. La seule chose qui a été reprochée à Thibaut est, comme lors des entraînements, de vouloir matérialiser un nombre trop important d’éléments en début de mission. Il doit encore saisir ce qu’implique réellement la matérialisation des liens et les risques encourus par ce procédé. Mais j’ai bien peur qu’il n’en prenne véritablement conscience que dans la douleur comme ça a été le cas pour Egide et moi… J’espère sincèrement qu’il n’a pas mal pris cette remarque. Ça pouvait paraître sévère mais c’est juste qu’on s’inquiète pour lui… Il le comprendra un jour, j’en suis sûr ! Dans tous les cas, il n’y a pas à dire, notre nouveau duo est très prometteur !

Le nom de cette première mission : « Après le calme, la tempête »… Non mais sérieusement… Où est-ce que Gwen va chercher ces noms de mission ? Alors c’est vrai que cela faisait quelques temps que la présence d’ANIMA si proche de la ville n’avait pas été détectée, mais, en soit, on s’en fout. Le plus important c’était l’entrée d’André et de Thibaut dans « la cour des grands » et, encore une fois, Gwen passe à côté de l’essentiel en voulant être détachée… Heureusement Egide, lui, a bien compris où se situait l’intérêt principal de la mission en la renommant « Baptême ». C’est une habitude qu’il a prise depuis un peu plus d’un an déjà et j’avoue que ses noms basés sur le ressenti sont plus parlants et plus… réconfortants en quelque sort… pour nous, les pilotes. Il va falloir qu’on initie Thibaut à ces noms officieux !

Bordel !! Comment les choses ont pu dégénérer à ce point ?! Aujourd’hui Gwen m’a choisi pour une mission consistant à faire des prélèvements sur l’ANIMA que Thibaut a détruit hier. Mission « Carcasse »… Mission « Catastrophe » plutôt ! Tout s’était bien passé jusqu’à ce que j’arrive au niveau de la carcasse. Mais après ça, tout est parti en vrille. Le module Ghostshell a subitement commencé à dysfonctionner sans raison puis a tout simplement fini par se détruire quand j’ai voulu faire les prélèvements. J’avoue que c’est à ce moment que la peur a réussi à se frayer un chemin en moi. Avant même que je m’en rende compte, j’avais matérialisé Ardoris et Temperantia. Quoi de plus logique… Tout comme Cécile, Egide ne m’a jamais fait défaut en mission… Et quand j’ai retenté les prélèvements c’est à ce moment, dans un bruit glacial de verre brisé, que la faille s’est ouverte… Gigantesque, béante, m'observant… Cette putain de faille… Mais merde !! Elle joue à quoi Gwen en ce moment !! Elle savait que c’était un point de fragilité ! Quand bien même les probabilités de rupture étaient très faibles, elle n’avait pas à éluder une info aussi importante. Ce n’est pas elle qui risque sa vie à chaque plongeon !... J’ai beau en vouloir à Gwen, je dois bien le reconnaître… J’ai également bien foiré durant cette mission… André, Egide… et Cécile…… Je suis vraiment désolé de vous avoir fait subir tout ça, en particulier à toi, Egide. Je me sens tellement mal. Notre relation s’est brisée… Je l’ai senti dans le rêve et pas seulement dans le rêve… Vu les mots qu’il a eus, il est certain que ce n’est pas moi qui aie le plus souffert dans cette histoire… Je l’avais déjà vu énervé, mais, même la fois où on s’est battu pour un plongeon, il n’était pas dans un tel état…

Et comme si ça ne suffisait pas, je n’arrive pas à me sortir cette idée de la tête : Et si c’était moi qui avais provoqué l’ouverture de la faille ? Quand j’ai réexaminé la carcasse de l’ankylosaure, la peur était déjà en moi et je n’ai pas pu empêcher une terrible pensée de me traverser l’esprit, : Est-ce vraiment une bonne idée de vouloir construire un second berceau ? On a déjà suffisamment à faire en mission sans avoir à se demander à chaque instant si la personne qui nous suit est bien notre allié ou un ennemi déguisé... L’espace d’un bref instant le doute m’avait complètement envahi et la faille s’est ouverte quelques instants après. La coïncidence est troublante… Enfin bref rien ne sert de tergiverser, le constat est simple : cette mission a été un vrai désastre. L’objectif a peut-être été atteint, mais à quel prix… J’en veux peut-être à Gwen mais la personne à qui j’en veux le plus, c’est moi…

J’ai beau dire ça, ce n’est ni la colère et ni les regrets qui m’habitent en écrivant ces lignes. Le seul sentiment que je ressens est la peur… Une peur indicible et immense… Cette voix… Ce nom… Que les Autres puissent s’en prendre directement à Jamie… Je suis complètement terrifié rien qu’à cette idée. Par chance cela s’est passé quand Cécile a commencé à perdre le contrôle du rêve. Elle n’a pas l’air d’avoir entendu cette voix et c’est certainement mieux ainsi. Elle a déjà suffisamment à faire entre son décompte qui touche de plus en plus à son terme et sa relation avec Gwen qui devient de plus en plus conflictuelle. Je dois prendre sur moi, je ne voudrais pas l’inquiéter davantage… Sans parler qu’en l’apprenant, telle que je la connais, elle serait capable de me ligoter au lit pour s’assurer que je ne retourne plus dans le rêve… Décidément, tu es bien la femme de ma vie, ma « douce » Cécile… Même quand tu n’es pas là, tu réussis toujours à me redonner le sourire… Je t’aime tellement…

Cependant, la question se pose réellement aujourd’hui : Est-ce je ne devrais pas arrêter de piloter ? Les risques sont devenus très grands… trop grands même… Bon Dany tu nous fait quoi là ! Tu le sais que ce genre de décisions ne dois pas être pris juste après une mission, en particulier une mission comme celle d’aujourd’hui ! Tu ne dois pas agir sur un coup de tête ! Prend le temps d’y réfléchir, il y a trop de choses en jeu ! Allez, après une bonne nuit de sommeil, j’aurais peut-être les idées plus claires…

J’ai très mal dormi la nuit dernière. J’ai enchaîné les cauchemars sur la faille et cette voix d’outre-tombe. Je me suis même réveillé en sursaut, ce qui n’a pas échappé à Cécile qui veille notre fils jour ET nuit, telle une lionne. Heureusement, elle n’a pas cherché plus loin que le stress engendré par la journée d’hier. Ce qui en soit n’est pas faux, mais pas totalement vrai non plus. Moi qui espérais pouvoir dormir pour avoir les idées plus claires sur les évènements d’hier et bien c’est raté. Rien que d’y penser… J’en ai encore des sueurs froides… Mais je ne dois plus y penser. J’ai finalement eu ma réponse et de manière inattendue !

Ce matin, Egide est venu me voir pendant que je m’occupais de Jamie. Il avait changé du tout au tout. Nous nous sommes tous les deux excusés de notre comportement d’hier. A ma grande surprise, il m’a demandé s’il pouvait porter Jamie. Ça m’a fait vraiment plaisir. Nous avons renoué nos liens ce matin. J’ai toujours considéré Egide comme un frère. Je l’aurais mal vécu si nous n’avions pas pu arranger les choses entre nous. Si seulement Cécile et lui pouvait s’entendre… Ça faciliterait les choses… Mais ils sont comme chien et chat… Enfin je garde quand même espoir qu’un jour ils finissent par se supporter ces deux-là.

Bref, ce moment avec Egide m’a rappelé une chose importante : Ils comptent tous pour moi. Il y a bien sûr Cécile et Jamie… Mais tous les autres membres de la communauté font également partie de notre famille. Le choix de piloter ou non n’implique pas que Cécile, Jamie et moi… Je le sais… Je dois être fort ! Je dois les protéger ! Car ils sont tous là à me soutenir ! Si je renonçais à piloter… Si je ne faisais rien pour faire avancer les choses… J’aurais l’impression de trahir tout le monde… Tous ceux qui comptent sur moi… La peur n’est pas une excuse pour abandonner !... Ça me rappelle ces paroles de mon père… Je ne les oublierai jamais… C’était peu de temps avant que… qu’ils… le Bliss… Je m’étais battu avec un gamin de ma classe qui m’avait traité de trouillard (à juste titre d’ailleurs). J’étais dans un sale état... Mon père m’a récupéré et m’a passé un sacré savon. Je ne faisais pas le fier à ce moment-là. Puis il s’est accroupi, m’a serré fort dans ses bras, a posé sa tête contre la mienne et m’a dit tendrement : « Ecoute fiston ! C’est normal d’avoir peur. On a tous peur un jour ou l’autre. Un petit garçon qui n’a pas peur, il n’est pas courageux : il est idiot. Par contre un petit garçon qui a peur mais qui réussit à surmonter ses peurs, c’est ça un petit garçon courageux.»… Et je suppose que c’est vrai à tout âge… Hein papa… A mon tour d’enseigner cette valeur à mon fils et de lui montrer l’exemple. Je sais que je risque de m’attirer les foudres de ma femme… mais dès que j’aurais récupéré, je retourne en mission ! Je te le promets Jamie, même si ta mère et moi ne sommes plus là pour le voir… tu fêteras tes 19 ans…

La visite d’Egide n’a pas été la seule surprise de la journée. Gwen a monté une petite expédition dans le magasin de bricolage du coin pour récupérer du matériel. J’ai été très étonné quand j’ai appris qu’Astrid faisait partie de l’équipe…… (à suivre)