(Achives du 25 mai 2005)
Petit commentaire en réponse à un débat initié sur "JdR Marseille" suite à l'article du "metro" n°479 paru le 25 MARS 2004 à propos du mouvement gothique et d'une allusion aux jeux de rôles.

1ère partie, où l'on parle des goths...
Enième article présentant une tribu urbaine où l'on n'apprend rien de plus qu'ailleurs.
En résumé, les goths sont habillés tout en noir avec des piercings partout et des crucifix. Ils font trembler les petites vieilles à la sortie de la boulangerie, mais moins qu'avant parce qu'on les a vus à la télé, merci TF moins !
Suivent les interviews obligatoires d'aficionados, avec l'éternelle ado(e) qui souffre d'un mal-être qu'elle "exorcise à travers une noirceur qui lui parle" (pourquoi pas.) ; le post-ado qui est "heureux qu'on l'accepte enfin comme il est", c'est à dire surfeur puis rappeur puis goth (faut suivre !) ; la fille "rangée du milieu" mais qui y retourne de temps en temps et qui nous explique que les goths ont "différents états d'esprit" (on est rassuré !) Et enfin les boutiquiers qui ont tous étés LE précurseur, qui déplorent la banalisation du mouvement à travers les médias (mais se réjouissent en comptant leur caisse).
L'underground devient hipe et commercial...

2ème partie, où l'on prononce les mots sans les dire...
C'est parti, la foire aux mots est lancée ! Sous couvert de vouloir dénoncer les rumeurs qui courent sur le phénomène on parle de "satanistes", "messes noires", "sadomasochisme", "suicides", "sectes", etc... Bien sûr tout cela est dit sur un ton rassurant mais seuls ces mots forts resteront dans l'esprit du lecteur lambda, selon le vieux principe : "y'a pas de fumée sans feu", s'ils en parlent c'est qu'il y a dû avoir des précédents. On entretient les psychoses tout en rassurant, bref on prépare les futurs articles.

3ème partie, où l'on évoque le jeu de rôle succinctement...
La journaliste nous apprend qu'il n'y a pas réciprocité entre mouvement sectaire et mouvement gothique. (Ouf !)
Résumé en une phase et une promotion de bouquin pour toute explication sensée nous aider à forger notre propre opinion. Suit la consensuelle mise en garde aux parents : "Attention à ce que lit votre ado !" Ainsi qu'une rapide allusion à l'antisémitisme (indémodable), les goths (allemands ?) seraient-ils en plus "fachos" ? Décidément ils n'ont pas de bol, ils cumulent.
Là où le bas blesse, c'est l'allusion faite aux jeux de rôles. Que viennent-ils faire là ? Dans l'article ils sont présentés comme une étape vers la profanation de cimetière. Cette journaliste n'a pas dû réactualiser "l'affaire Carpentras" présentée par Mireille Dumas, grande pourvoyeuse de racolages médiatiques.
A quand la promotion d'un bouquin qui nous explique qu'il n'y a pas de réciprocité entre Jeux de Rôles et dérives de toutes sortes?
Cette journaliste fait des amalgames, comme beaucoup. Je ne vois malheureusement pas d'autres solutions pour contrer ce genre de calomnies que d'informer le public encore et toujours aux travers de nos clubs.

En conclusion :
Le mouvement gothique est finalement un vieux truc, François Villon s'éclatait déjà en composant des poèmes sur la mort et la bourgeoisie se faisait peur en organisant des fêtes dans les catacombes pendant la renaissance, donc je me marre doucement quand on parle de nouveau phénomène de société. La seule différence est qu'aujourd'hui le marketing à entièrement récupéré le mouvement. Et si on en parle, c'est que ça fait vendre! Très peu d'articles pour parler des psychologies ou des bases véhiculées par les mouvements urbains. On nous parle toujours de fringues, de films, de groupes références. Les idées font place aux produits pour le plus grand bien de tout le monde car si l'individu se mettait à penser sans rien acheter, où irait la société ?
Cela vaut pour tous les mouvements, du grunge au rap en passant par le goth et le kitty.
Je suis toujours amusé de voir un jeune passer naturellement du rap au gothique, vu le fossé qui sépare les deux mondes, il n'y a bien que le paraître ou le besoin d'appartenir à un groupe qui peut les rapprocher.
Cette négation des idéaux fait, à terme, de tous ces mouvements identitaires des passe-temps pour gosses de riches (200 euros une paire de dock cloutées !) en mal de frissons. Tous veulent être aimés ou respectés. Mais ces sentiments ne s'obtiennent pas ils se gagnent. Tous ces gamins, tous mouvements confondus, qui cherchent à choquer ou à se communautariser ne devraient pas s'étonner de la ségrégation dont ils sont victimes, à chaque fois que le public tombe dans les poncifs qu'ils ont eux-mêmes généré. A trop vouloir s'enfermer dans un ghetto, on finit par être oublié du monde entier et il est alors trop tard pour crier au martyr.
Pour ma part, j'aime le gothique pour son imagerie très contrastée (clair/obscur) à la Tim Burton bien utile dans mon métier, mais il est vrai que je n'accroche pas trop aux idéaux. J'aime bien trop la vie pour prendre plaisir dans le nihilisme, les amours impossibles et une auto-flagellation para masturbatoire de mes côtés sombres.

Pour l'allusion aux jeux de rôles. difficile d'en parler tant la phrase est ambiguë. Il faudrait déjà définir ce que sont les JdR. Grandeur Nature, sur table ou avec figurines, les psys et les consultants en management utilisent eux aussi des jeux de rôles. Toutes ces pratiques très différentes sont rassemblées sous la même dénomination générique, donc difficile de savoir de laquelle parle la journaliste. Je note qu'elle marque "jeu de rôle", sans pluriel à rôle. Lapsus ? Si c'est le cas il n'y a alors rien en commun avec notre pratique où notre plaisir vient du challenge à incarner de multiples personnages en restant crédible.
J'insiste d'ailleurs pour que dans les clubs, on pousse les joueurs à incarner des personnages très variés pour éviter le récurent perso d'un joueur dont seule la couleur de cheveux change d'une partie à l'autre et qui n'est alors plus un travail d'acteur pour le joueur mais la projection d'un phantasme dans une partie qui tourne à la psychothérapie de groupe.
Je ne peux qu'encourager encore et encore les joueurs à répandre un message de "plaisir du jeu" autour d'eux pour que lorsque leurs proches tombent sur l'un de ces articles tendancieux, ils puissent avoir un son de cloche d'un véritable pratiquant et se faire leur propre opinion. Restons sobres dans les réactions face à ce genre d'insinuations, comme le dit Reynaud de la lettre "JdR - Marseille" : "Pour ne pas passer pour des intégristes toujours sur la défensive."


Soyons également
sobres dans nos rapports aux autres. Commencez par raconter la fois où vous étiez un jeune écuyer chargé de récupérer le châle d'une princesse dans un tournoi avant de décrire par le détail le jour où vous incarniez un démon léchant l'orbite vide d'un bébé mort sous les roues d'un train rempli de zombies femelles qui se caressaient. Ecuyer, "ça le fait moins" je le reconnais... Mais c'est plus sûr pour avoir encore un chèque de votre grand-mère à Noël que si vous commencez directement par le démon !! La plupart des rôlistes se font piéger par leur manque de tempérance. Il faut se rappeler que toute scène de jeu rapportée, l'est "hors contexte" et peut donc être interprétée différemment.

Seule une médiatisation "suivie" du jeu de rôles semble être la solution pour stopper cette dérive du sensationnalisme.
Messieurs les présidents de clubs, à vos plumes, celui qui cotoîe le plus de journalistes a gagné !
Ludiquement vôtre,
Greg, de la Guilde des Joueurs