Scott Summings à la chance de faire partie de la bourgeoisie de Bellevue. Né avec une cuillère en or dans la bouche, il passe une enfance paisible à jouer avec ses amis privilégiés sur l'immense pelouse de la résidence de ses parents. Son père William, Senior chez Dataminding Corp., gère le service "relation extérieur" de la Corpo et affiche un confortable salaire à 6 chiffres. Sa mère Johanna, tente de dépenser de son mieux ce salaire en décoration intérieur, elle collectionne Marwal et les peintres subjectivistes. Johanna est également très impliquée dans sa communauté et anime avec un grand plaisir la paroisse St Jackson où elle cumule catéchisme Baptismique et kermesses poly-confessionnelles. Le goût des valeurs morales les ont amenés naturellement à devenir membre du "Pure White Nation", parti politique développant un concept de tolérance plutôt novateur.

Déjà très jeune, Scott montre des aptitudes sociales exceptionnelles. Il est la coqueluche du quartier, toujours serviable et souriant. C'est le fils idéal, aux dires de ses parents, qui ont, par ailleurs, bien du mal à comprendre son frère ainé, William Jr, adolescent introverti et secret qui passe sa vie enfermé dans sa chambre. William ne parle quasiment pas et ses parents l'ont bien sûr emmené chez plusieurs psychiatres pour détecter un éventuel autisme. Un psy tarifé ¥500 de l'heure, trouve la solution en voyant l'enfant de 4 ans jouer avec son Pad8 et conseille aux parents de lui offrir un commlink afin qu'il s'épanouisse. William se voit donc offrir, chaque année, le matériel le plus avant-gardiste, par son père qui en profite pour rédiger des rapports auprès de Dataminding Corp. sur l'accessibilité des softs aux enfants. Cela ne rend pas William Jr plus loquace, mais passant désormais ses jours et ses nuits sur la Matrice, ses parents n'ont plus honte de lui et peuvent de nouveau recevoir chez eux, pour le plus grand plaisir de Scott, qui adore briller en société.

Scott, enfant parfait, beau et bien élevé est un étudiant modèle. Les bulletins d'excellences de la G.W.Bush High School qui tapissent le salon permettent à son père d'annoncer avec fierté que Scott entrera certainement bientôt dans la grande famille de Dataminding Corp., sous les sourires complices des actionnaires invités pour un brunch inopiné. Quel dommage que William Jr ne ressemble pas plus à Scott s'étonnent les parents Summings en découvrant sa chambre vide, sans comprendre que William est parti, lassé des comparaisons et des humiliations. Cette disparition juste avant la saison clé des barbecues dinatoires est très mal vécue par la famille Summings qui pour garder son standing est contrainte d'employer un traiteur spécialisé tarifé ¥1500, la prestation.
Scott réussit ses examens de "droit des affaires" haut la main, grâce à une timide correctrice troussée dans le bureau même du Directeur, sur les copies à traiter.

L'oisiveté d'une adolescence par trop facile mène Scott vers tous les lieux hype, en quête d'émotions et il se tisse rapidement une réputation de cluber incontournable. Souvent accompagné d'une cour de jolies filles friquées, prêtes à s'encanailler, il est courtisé par les tourneurs qui l'invitent aux soirées les plus "hot".En présentant son invitation VIP au physionomiste du Penumbra, grand troll cybernétisé, Scott ignore encore qu'il met un terme à sa vie. Le jeu de laser 3D annoncé comme le plus incroyable du Metroplexe, l'ambiance électrique, les salons feutrés et les langoureuses danseuses achèvent d'en faire son point de chute préféré et il revient désormais chaque semaine, s'acquittant des ¥75 de droit d'entrée.

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 Sélène vient de perdre un de ses "enfants", tué lors d'une run par la milice du voisin Renraku et pour noyer son chagrin, elle vient danser au Penumbra. Danser jusqu'à en perdre la tête, jusqu'à oublier la fureur des hommes, leur violence. Ses cheveux argentés décrivent des croissants de lune lorsqu'elle secoue la tête au son du techno beat, craché par le mur d'enceintes du club. Scott est sous le charme, il n'écoute plus la fille qu'il caresse et ne peut détacher les yeux de cette femme qui danse en pleurant, elle est magnétique. Scott délaisse ses études, il vit presque en permanence au Penumbra dans l'espoir que son regard croise celui de son inconnue. Il a fallu quelques semaines à Sélène pour éteindre sa peine et découvrir le potentiel de Scott, qui sera peut-être digne un jour de faire partie du Cercle. Elle l'a prit sous son aile, lui demandant des services anodins, puis de plus en plus personnels. Quand elle l'a jugé digne, elle l'a embrassé. Ce soir, Scott est mort.

Le corps de Scott est rentré chez lui au matin. Ses parents sont furieux, voilà deux mois qu'il manque les cours, son dossier d'entrée à Harvard-Yale vient d'être refusé, c'est tout leur plan de carrière qui s'écroule. Le corps de Scott vomit sur la table familiale les tartines de confitures qu'il vient d'ingurgiter, avant de tomber au sol en convulsions. Un ami proche des Summings, docteur de son état se rend à son chevet et fait une analyse ADN pour comprendre de quoi souffre le jeune homme…

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"Ca ne va pas être de la tarte!" s'exclame le mercenaire qui décharge du coffre de son Break, le corps obèse du médecin pour l'amener sur le quai du port, juste à côté de celui de Scott qui ne convulse plus, surement à cause de la balle qui à pénétré son os pariétal gauche. Le temps de nettoyer ce qui pourrait le compromettre et de pousser du pied les deux cadavres à l'eau, le mercenaire s'en va. Pas de soucis qu'ils réapparaissent, la viande est rare dans les Barrens et il y a toujours quelqu'un pour la recycler.

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A la paroisse St Jackson, l'émotion est grande pour la cérémonie funèbre. Les Summings ont fait venir Arletta Franklin, la star du Trid Gospel, le show laser est époustouflant. Malgré le cachet prohibitif de la cantatrice, avoisinant ¥15.000, Johanna et William versent une larme en mémoire de leur cher enfant disparu trop tôt, fauché dans la fleur de l'âge par un SDF qui en voulait à son argent. Sam Patkinson, secrétaire adjoint du "Pure White Nation" rend un vibrant hommage aux Summings et dénonce durant une bonne heure la racaille basanée et mutante qui envahie Seattle et menace nos fils et nos campagnes. William est même invité aux côtés de Patkinson pour crier la main levée: "Plus jamais ça!" L'ovation est générale, Johanna est si fière de son mari.

Les Summings, main dans la main se bercent doucement dans le jardin confortablement installés dans la balancelle importée de France l'année passée. Ils se sentent bien seuls maintenant. William, les yeux dans le vague se remémore les détails des jours passés. Il sourit tendrement à Johanna. ¥45.000, en comptant la cantatrice et le mercenaire, il n'aurait pas pu budgétiser plus serré, ils avaient un standing à tenir. Quand à garder un Infecté dans leur foyer, fut-il leur fils, tout de même…

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Pêcher 65kg de viande n'arrive pas tout les jours, se félicite le maraudeur qui arpente le lac dans sa barque. En remontant le corps sur son embarcation, il regrette que la viande ait trainé trop longtemps dans l'eau contaminée du lac. La peau est décolorée et la chaire est à coup sûr gâtée, ce qui fait baisser le prix au kilo. Un murmure à l'arrière de la barque? Le type ne serait pas mort? Le maraudeur colle son oreille au dessus de la bouche du cadavre pour détecter un râle hypothétique.

La faim est trop grande et la carotide du pêcheur trop proche… Un murmure, oui. Celui d'une succion qui ôte la vie d'un être bien vivant pour redonner la vie à un être déjà mort.
Note pour plus tard : ne jamais sortir de l'eau un vampire qui trempe.

Epuisé, transi de froid, désorienté et meurtri par les souvenirs qui le hantent, il erre dans les rues, vivant d'expédients peu glorieux. Sa belle gueule lui permet d'attirer les clients plus facilement, un albinos, ça plaît suffisamment pour se payer un costume décent et partir à l'assaut de Downtown. De cette expérience, deux leçons à retenir : Gigolo n'est pas un métier, juste un passe-temps et les corporates devraient redouter un homme qui murmure à l'oreille des femmes, surtout si elles paient bien.

Whisper est un jeune homme soigné et sûr de lui qui fait ce qui faut pour ne pas retourner dans la rue. Le physio' du Penumbra ne le reconnait pas, normal, il a tellement changé. Sélène sera-t-elle encore là? Elle est la seule qui ait jamais vraiment su qui il était et accessoirement qui il serait… Sur le dance floor, Whisper retrouve ses reflexes, pose, ondule, sourit. Des bras l'enserrent par la taille. Tu as mis du temps? Mais tu es prêt maintenant. Elle le prend par la main et le guide parmi la foule qui se déhanche frénétiquement. Whisper découvre les sous sol du Penumbra, univers parallèle heureusement ignoré de la surface. Dessous, personne ne pose de question, ni ne parle. Ce qui doit être dit, l'est dans des cryptes dédiées, entre initiés. Les secrets sont ici plus précieux que partout ailleurs. Sélène fait entrer Whisper dans une salle voûtée aux pierres saillantes, une légère odeur de salpêtre flotte dans l'air. Compter rapidement, estimer, vingt-six personnes masquées et vêtues de toges blanches formant un cercle, immobiles dans la pénombre. Sélène ferme la porte. Difficile de savoir ce que Whisper a gagné ou perdu durant son initiation, les cryptes du Penumbra ne laissent filtrer aucune infos une fois leur portes closes.

Whisper réside maintenant au Penumbra. Il se noie dans la foule des anonymes qui viennent profiter du plus grand jeu de lumières du Métroplexe. Whisper préfère cependant les ombres, il s'y sent plus à son aise pour rendre des services à Sélène en échange d'un apprentissage qu'il expérimente le soir dans les salons privés. Whisper travaille désormais pour le Penumbra, certains soirs il guette dans le coin d'un salon, toujours discret, au cas où une irrégularité surviendrait. Négociations ardues, diplomaties risquées, apprendre et retenir, tout retenir, c'est la meilleur école. Payé pour préserver la réputation de confidentialité du Penumbra et ne jamais rien dire. Les gros clients paient bien et ne posent pas de questions si on est bon. Quand à l'oubli, Whisper le trouve sur la piste de danse du Penumbra, collé à une femme différente chaque soir. Il apprend à être toujours exceptionnel, dès la première fois…

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 William Jr est devenu un hacker indépendant de renom. Il loue ses talents de pirate matriciel aux runners les plus offrants. Seul un insecte cybernétique, son avatar, lui sert de visage, il n'a plus vraiment d'identité, ou plutôt il les a toutes. Il n'a jamais aimé les gens du dehors, trop fermés sur leur réalité quotidienne, alors il ne sort jamais de son van blindé et sillonne discrètement les rues de Downtown. Ce qu'il n'a pas, il le crée, ce qu'il ne peut pas créer, il le downloade, sa vie est simple comme un bit.

Pour ne pas se couper du monde, il se force à observer ses congénères comme un entomologiste penché sur une fourmilière, cela le détend. Sa fourmilière préférée est le Penumbra, ce club a le jeu de laser le plus dément du Métroplexe, ainsi qu'une faille discrète sur cinq caméras de contrôle de la piste de danse. William se marre de voir les gars se prendre des râteaux par des filles qui courent se réfugier dans les bras de leurs copines. Et puis il y a les types qui arrivent à brancher deux ou trois nanas à la fois. Pas les corpos blindés qui achètent de l'amour tarifé, non plutôt des mecs comme l'albinos sur la piste 3. Ce mec doit remplir son disque dur de numéros de filles. William donnerait bien la moitié de son van pour un accès à son commlink. Ce soir c'est la "Black Night for Black Knights" au Penumbra, la soirée de tous les excès et il ne ratera pas l'occasion de le hacker.

John Snow, quel nom de merde, même pour un écrivain de seconde zone qui se sert de sa notoriété pour pêcher des nanas.  SIN bidon, de bonne qualité, mais bidon quand même. Pas d'activités antérieures à trois ans, nouveau SIN, nouvelle vie. Alors comme ça le blondinet aurait un passé à cacher. Pas de bol, un cafard ça peut gratter les fonds de poubelles pendant des heures, surtout si y'a du sucre à la clé. Finalement la soirée va être plus cool que prévue. Au plus facile, sa "Runners Data Base" personnelle épluchée, rien. Il fallait s'y attendre, il l'aurait reconnu. Scan des bases de données de toutes les agences officielles de Seattle, si ce type est allé un jour dans des chiottes public, William le saura. Rien. Ce gars à l'air aussi sauvage que lui et mérite sans doute le grand jeu… Start the game already !
MorphoSoft, -2 ans, - 5 ans, -10 ans, comparaisons anthropométriques sur les bases de données des services de police de la ville et des principales agences de sécurité privées, entrées: "personnes disparues", "personnes décédées"… Data matched! Un cafard parvient toujours jusqu'au sucre…

Un camion poubelle klaxonne, le van doit gêner le ramassage. William consulte son chrono, il est resté deux heures sans bouger devant la photo d'un ado maigrelet, les simsens saturés comme s'il s'était défoncé aux BTL. La dernière fois qu'il a vu ce visage, le gamin jouait au cricket sur la pelouse d'une résidence chic de Bellevue, c'était il y a 9 ans. Le canal 74 de la tridéo avait fait un encart sur son décès, buté dans les Barrens par un clodo. William avait assisté à la cérémonie, dans le fond de la chapelle, jusqu'à ce que ce pourri de politicard commence son meeting. Il était remonté dans son van et avait pleuré son petit frère, seul, longtemps.
Si cet albinos était son frangin, il allait en avoir le cœur net. Ce n'était pas un grain de sucre qu'il venait de trouver, mais toute la confiserie!

Enquête rapide, quelques traces d'ADN récupérées par une complice, confirmation, tout est plus rapide quand on sait se qu'on cherche. Contact anodin pour prendre la température, puis un second, plus cash:
- Scott?
- Silence.
- C'est William.
- Silence.
- Rendez vous où t'as sœur s'est cogné le genou.
Il n'y aurait pas d'erreur, ils n'avaient pas de sœur et il n'y avait qu'eux deux pour connaître cette private joke de gosses, restait à espérer qu'il n'ait pas oublié.

Retrouvailles sous l'enjambeur de la 24ème, il n'a pas oublié. Pas d'effusions, juste une embrassade pour ressouder neuf ans d'absence, beaucoup d'émotions. Retour sur les parents, la fuite de l'un, le meurtre de l'autre, les victoires et les actes manqués, quelques secrets conservés chacun, pas de questions, c'est mieux, la promesse de ne plus se quitter et de toujours garder un œil sur l'autre.

Whisper repense à toutes ces histoires de runs. Bien sûr, il a connu des dizaines de runners et a couché avec certaines, mais il n'a jamais songé sérieusement à courir les ombres. La crainte de la violence gratuite, sans doute. Il lui faut une équipe. Face à un type armé d'un flingue, il ne tiendrait pas trois secondes. Sélène doit connaître quelqu'un de sérieux, elle connait la moitié de Seattle… et se cache de l'autre moitié. Et puis un run rapporte bien plus que les petits boulots qu'il fait pour elle au club, le Cercle a tellement besoin d'argent.

Sélène hésite, elle aussi a connu des runners, beaucoup de runners, mais très peu de vieux runners.
- Très peu, ça laisse un espoir et puis je ne vieillis pas.
- Si tu tiens tant à rattraper les balles perdues en vol, va au Titty Twister et demande Rubis, elle te trouvera au moins des runs qui paient.

Difficile de la rater. La patronne du TT ne laisse personne indifférent, on l'aime ou on la déteste et coup de bol, Whisper l'a tout de suite eut à la bonne. C'est réciproque, la petite carmin aime les gueules d'amour. Elle vient de monter une équipe de bleus et a une run facile sous le coude pour demain.
- Tu peux t'intégrer dans une équipe rapidement?
Sourire malicieux, pas de réponse.
- Ouaih, évidemment… Ok, t'es pris gueule d'ange et tâche de ne pas revenir couvert de cicatrices.
Baiser chaste contre l'oreille.
- Je te le promets Rubis, ça n'arrivera pas…

Préparatif fébriles, le lendemain est devenu aujourd'hui, rencontre de mes coéquipiers. Dans l'équipe, deux filles mignonnes, ça ira… forcement.

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Alcôve du Penumbra, rien de tel qu'être en confiance pour une première fois. Un type est lové dans une banquette en velours sombre, costard sobre à ¥1500, transpiration aux tempes, nœud de cravate Windsor légèrement relâché, rythme cardiaque rapide, souffle maitrisé, pupilles dilatées, le pied qui sautille sous la table basse, deux cocktails lychee-gingembre-vodka descendus, son aura est calme, très légère nervosité due à la musique, un datajack comme seul implant cyber. C'est notre homme...
Je suis le Face du groupe, les autres doivent attendre que je parle… Je me lance : "Mr Johnson, je présume ?"

Cool