Madhi Se réveille, en fixant le sommier du lit au-dessus du sien, il passe un petit moment à ressasser ses pensées, dans un demi-sommeil. Puis un air de musique commence à s’improviser dans sa tête. Il s’étire tranquillement en hochant de la tête pour marquer le rythme qui commence à s’imprimer dans ses pensées. Il fait un grand sourire en saluant ses soeurs réveillées/présentes. Il commence à s’habiller distraitement, un peu débraillé, il se saisit de son saxophone et se dirige vers la porte. Avec la ferme intention d’aller au dispensaire, et de jouer sur la route aussi.
“A toute!”
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L’entraînement est rude : Lyana est sans pitié mais Evangéline reste une adversaire coriace et les deux jeunes femmes ne se font aucun cadeau. Chaque mouvement est propre, calculé, maîtrisé. La petite brune avait rêvé d’un pareil adversaire régulier toute sa vie.
Du coin de l’oeil, elle aperçoit Madhi et toute sa concentration disparaît en une fraction de seconde. Lyana en profite pour passer à l’attaque, sans se douter de la source de faiblesse de sa partenaire. Evangéline tombe lourdement et se relève péniblement. Elle cherche à toute vitesse un moyen de quitter l’entraînement sans paraître suspecte. Le meilleur prétexte qu’elle trouve est qu’elle a besoin de manger un morceau avant de reprendre - petit déjeuner pris à la hâte.
Elle rejoint Madhi à allure modérée, là où une petite voix dans sa tête lui chuchote de courir. Elle prend grand soin d’étouffer ce fauteur de trouble ridicule sous une avalanche de pensées moralisatrices.
“Tu vas au dispensaire ?”
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Madhi est en train de souffler dans le saxophone avec énergie alors qu’il se dandine sur l’air en avançant, une très mauvaise idée, car il s’essouffle toujours trop vite ainsi. Il n’entends presque pas Eva dans un premier temps, puis il la voit, il s’arrête et d’un grand sourire, il lui répond.
“Oui, c’est ça! Tu es déjà venue? Tu veux venir?!”
Un grand sourire plein d’espoir sur le visage, un rayon de soleil perçant sur son visage sous des hectomètres de glace. Il enchaîne, enjoué.
“Tu sais soigner? En plus tu verras il y a plein de gens que tu pourras rassurer, comme tu sais si bien faire!”
Un coup de coude et un clin d’oeil appuyé pour affirmer qu’il le pense vraiment et qu’il compte désormais sur elle, alors qu’elle n’a rien proposé…
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Elle ne s’attendait pas à une telle réaction. Le rouge lui monte aux joues jusqu’au bout des oreilles, mais elle se dépêche de se reprendre. Si elle voulait venir? elle en mourrait d’envie.
“Je… Je suppose oui…”
Evangéline a l’impression d’être une fillette, une enfant d’1m50 capable de sécher quelqu’un d’un coup de poing. Madhi a l’air si heureux lorsqu’il lui propose de l’accompagner. La raison tente de la ramener vers Lyana, là où de toute manière elle sait qu’elle devrait être, mais la petite voix ne s’avoue pas vaincue. La petite voix lui murmure doucement qu’elle peut se le permettre.
“Comme je sais si bien faire, hein?” insiste t-elle.
Elle répond à son sourire puis lui assène un petit coup sur l’épaule.
“Je te suis, si je peux me rendre utile alors je ferai de mon mieux.”
Peut-être était-ce sa chance d’en apprendre un peu plus sur son univers à lui, de savoir enfin si ce qu’elle ressentait n’était qu’une idée ou quelque chose de bien réel.
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“Wouhouuu!”
Madhi saute sur place, manquant de déraper sur le sol continuellement gelé de Pôle Sud, il attrape Eva de sa main libre, par le poignet, et tout en jouant du saxophone avec sa seule main restante, ce qui est impossible, surtout en bougeant comme il le fait. Ce qui rendit un son ma foi, fort dégueulasse. Un instant de silence, puis un éclat de rire, et Madhi commence à presser le pas, ne prêtant pas attention au fait qu’Eva aurait pu vouloir se changer plutôt qu’être en tenue de sport.
“Viens voir, c’est par là, c’est dans les quartiers pauvres. Ils ont clairement pas tous les moyens, alors je peux te dire que c’est là que passe ma solde! On a des privilèges juste pour notre naissance, autant s’en servir héhé! Ah oui et fais gaffe, on va croiser trois types un peu louches à un coin de rue. Il suffit de pas les regarder.”
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Prendre une petite douche et s’habiller autrement n’aurait pas été de refus, mais Madhi semble en avoir décidé autrement. Avant qu’elle n’ait pu dire quoique ce soit d’autre, Evangéline se laisse entraîner, amusée par la situation. Tandis qu’il la guide dans des quartiers qu’elle n’avait encore jamais vu, elle l’écoute parler. Chaque détails se grave dans sa tête, même le plus insignifiant : chacun d’eux peut avoir son importance à un moment donné.
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Continuant à déblatérer sur tous les éléments qu’il dépasse, les quartiers qu’il a fini par mieux connaître que la caserne. Il se rend compte qu’il est heureux d’enfin le partager avec quelqu’un, Madhi est plutôt celui qui va vers les autres, avec Yuki, mais le reste de ses amis restent en général dans leurs zones de confort. S’en rendant compte, il se tourne vers Eva avec un grand sourire.
“Merci, merci de venir.”
Une fois arrivés devant le dispensaire, il déboule comme un habitué, il voit qu’il y a encore peu de petits bobos, dans la première salle, où les blessés lourds ne sont pas alités. Il voit Zephyr qui parle à une mère inquiète pour son fils. Il attend seulement quelques secondes, puis vient déposer une bise sur la joue de Zephyr et le regard pétillant, lui annonce.
“Regarde Zeph’ qui vient aider aujourd’hui! Je te présente Eva, elle est dans mon unité! Eva, Zephyr, Zephyr, Evangeline.” puis confus et bafouillant à l’encontre de la femme assise en face, “Pardon, bonjour Madame Tilet.”
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Madame Tilet est une belle femme, qu’elle salue poliment d’un geste de la tête.
“Enchantée Zephyr, Evangéline Crusseroi, je suis une camarade de Madhi. Apparemment, un petit peu d’aide ne serait pas de trop par ici? Madhi est très convaincant.”
Elle se tourne vers Madame Tilet.
“Madame Tilet.”
La jeune femme ne sait pas où se mettre ou ce qu’elle doit faire et cherche à le faire comprendre à Madhi par un regard assez paniqué. Traiter avec des criminels, s’entraîner, tout le barda militaire ne l’avait jamais effrayée, mais être en contact direct avec des gens malades l’impressionnait. Cette sensation d’incapacité l’incommodait au plus haut point.
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Madhi restait planté, droit comme un piquet, un sourire un peu niais sur le visage, rayonnant comme un enfant, juste heureux quoi. Lorsqu’il se rendit compte du malaise d’Eva. Passant à l’étonnement, les yeux ronds et toussant de surprise.
“Oh merde, pardon Eva, euh oui attends, qu’est-ce qu’il y a aujourd’hui?”
Il regarde les dossiers à côtés de Zephyr et saisit les premiers posés sur le bureau. En faisant cela, il laisse Zephyr et Madame Tilet reprendre leur conversation. La médecin, en attrapant sa tasse de “café” effleure légèrement le bras de Madhi, ce dernier sort de ses recherches, et en s’excusant, ils échangent un sourire. Madhi étant clairement plus rouge que Zephyr, qui ne l’est pas du tout à priori. Reprenant sa contenance.
“Hum, euh alors on a de la chance pas de blessés graves, à part des convalescents. Eva, on va s’occuper de dorloter des pauvres enfants qui sont alités dans la pièce à côté. Prends ton matériel, là il y a le plateau avec tout ce qu’il faut.”
Il s’approche d’elle et se plante à quelques dizaines de centimètres seulement. Puis il tend sa main vers le visage d’Eva, et d’un geste délicat, il pose ses doigts sur sa bouche. il écarte les doigts pour afficher un sourire à Eva.
“Voilà l’outil le plus important du médecin”
Il se saisit ensuite de son propre plateau, et en entrant dans la pièce, il se met à hurler d’un air enjoué.
“Qui veut la meilleure bouillie du moooonde!?”
Les enfant crient de joie, sans se douter qu’après toutes ces fois, où il a vanté les mérites culinaires de la bouillie, cela n’a jamais été vrai. Accompagnés de quelques “Ta gueule” d’adultes vraiment dans le mal à côté.
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Quand les mains de Madhi s’approchèrent de son visage, la première réaction “naturelle” d’Evangéline aurait été de les attraper, de les tordre et d’empoigner Madhi de façon à le faire basculer sur le côté et l’immobiliser. Elle détestait que quiconque franchisse sa zone de sécurité. Il lui fallut prendre énormément sur elle-même pour freiner cette pulsion réflexe et le laisser dessiner un sourire tout sauf naturel sur son visage pâlichon.
Les enfants sont pour la plupart dans un piteux état, miséreux (?). Il est presque difficile pour la jeune femme de les regarder, mais l’enthousiasme contagieux de Madhi lui permet de se détendre et de prendre une nouvelle fois sur elle. Il fait le pitre - comme d’habitude - mais il a aussi ce petit air innocent et compatissant qui le rend si lumineux à ses yeux. Evangéline suffoque tout à coup et pique un fard. Ses doutes se confirme, elle perd le contrôle et fait tomber une assiette de bouillie qu’elle tenait dans ses mains. Elle se confond en excuses et se penche pour nettoyer avec les moyens du bord. Certains enfants rient, ce qui est déjà ça.
“Eh merde… euh, pardon, désolée Madhi…”
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Madhi s’aperçoit de la gêne d’Eva au moment de lui instiller un sourire. Il est quand même allé jusqu’au bout, mais pas sans en prendre note. Alors qu’il s’occupe des enfants, il jette régulièrement des coups d’oeils à Eva, de temps en temps un sourire, ou un clin d’oeil pour la rassurer. Elle a l’air d’être moins à l’aise dans ce qu’elle fait aujourd’hui que dans ses longs monologues aussi pertinents que soudain. Madhi le savait bien que son élément était plutôt la guerre, les salles de sport et les pompes à trois heures du mat’ en plein couloir. Aussi il essayait de ne pas trop énerver Eva pour éviter les grosses taloches.
Mais en y réfléchissant bien, ce n’était pas vrai. Agonis, il adorait jouer sur le fait que Madhi lui était insupportable de bonne humeur. Essayer de détendre Lyanna, cela relevait de la mission suicide, pourtant il continuait à s’y risquer. Pourtant il laissait Eva tranquille, bien sûr il essaye toujours de l’entraîner dans sa joie de vivre (quand il l’a), mais sans être aussi taquin qu’avec les deux autres.
En y repensant, il y a toujours eu quelque chose de différent avec Eva, depuis qu’ils sont petits, mais avec la séparation des unités, la tendance à se construire une carapace contre l’horreur du monde et la bataille de la Nouvelle-York. C’était difficile d’être soi-même, d’être sûr de ce que l’on pensait. Mais Madhi avait toujours senti une affinité en plus de vouloir la protéger, bien qu’aujourd’hui, il ne voyait pas en quoi elle avait besoin de protection.
En fait si, elle avait sûrement le même problème que Lyanna, il fallait la protéger d’elle-même, de sa propre armure, et pas question de resplioid ici. Aussi il se décida lorsqu’elle fit tomber l’assiette.
“Aaaaaah, qu’est-ce qui se passe quand on fait tomber une assiette les enfants?”
Ce à quoi ils répondirent en choeur
“Un gaaaaaage!” Madhi, surenchérissant “Exactement, comme la bouillie est foutue, je propose qu’on se serve de l’assiette comme d’une batterie et son gage est qu’elle doit m’accompagner quand je joue du saxophone, okay les enfants?”
“Non c’est nuuuuul!” Crie l’un d’eux, Madhi d’un sourire, lui rétorque “Très bien petit Jim, qu’est-ce que tu proposes?”, souriant il répond “Elle nous file du chocolat!”
Madhi “Bon puisque personne n’a jamais vu de chocolat de sa vie, je vous apprend maintenant que le chocolat, c’est une musique, donc ça confirme mon premier gage. Ceux qui veulent danser sont les bienvenus!”
Madhi n’entend même pas les hypothétiques protestations d’Eva, et au pire y répond avec un sourire, et il commence à jouer, en regardant d’un air malicieux, les enfants, qui vont se lever pour danser, il le sait, malgré la maladie.
“Et putain de meeeerde” proteste un vieux patient, en se mettant l’oreiller sur le visage, pour baisser le son ou mettre fin à son exaspération de manière plus … définitive.
Les enfants les plus chauds, et pas au niveau fièvre, commence à danser sur leurs lits, et Madhi lance un clin d’oeil à Eva en haussant les épaules, comme s’il n’avait pas eu le choix…
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Elle est prise au piège. D’un côté, les enfants commencent à danser, et de l’autre Madhi s’en donne à coeur joie avec son saxo. L’assiette trône bien en évidence non loin. La petite voix - encore elle malheureusement - est là, elle hurle, s’époumone “Vas y !”. Evangéline déglutit et prend l’assiette dans ses mains. Il y a encore quelques traces de bouillie, mais qu’importe, elle est déjà toute couverte de sueur et d’éclaboussures. La mélodie que joue Madhi est entraînante, un régal pour son coeur qui n’en peut plus. Alors qu’elle se laisse emporter par la musique, elle commence à frapper l’assiette en rythme. Elle se sent à la fois terriblement stupide mais aussi… heureuse et libre. Evangéline commence à fredonner quelque chose pour accompagner, quelque chose qu’elle avait déjà entendu dans un autre temps, à une époque où sa carapace était encore inexistante. Celle qui chantait ça avait de jolis cheveux noirs, longs et pleins de reflets.
“Tu me pousses dans mes derniers retranchements !” se défendit-elle.
Tout ça aurait pu durer une éternité qu’elle n’aurait pas vu le temps passer.
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Madhi marche d’un pas joyeux dans les rues des quartiers pauvres, il hèle les gens qu’il connaît et leur demande des nouvelles assez précises, est-ce que la fuite est réparée? Est-ce que le cadet a réussi à retrouver le sommeil? La tante va-t-elle bientôt refaire ce fameux gâteau etc, etc…
Puis il se tourne vers Eva, à qui il fait faire le tour de quartier, avant de rentrer à la base, se rappelant qu’elle n’a pas fait d’entraînement depuis plusieurs heures, son corps lui-même doit être en manque.
“On a bien travaillé aujourd’hui, alors oui on a beaucoup fait la fête avec les enfants. Mais pour leurs petites maladies, le plus important c’est le moral et de rester au chaud, on ne va pas se mentir. Sinon, t’en as pensé quoi, Eva ?”
De grands yeux plein d’espoir dirigé vers elle, Madhi est beaucoup plus expressif que lorsqu’il pose une simple question, c’est évident que ça compte énormément pour lui.
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Evangéline le suit sans rien dire. Le voir si spontanée face à tous ces inconnus a le don de l’attendrir, mais elle reste sur ses gardes : toutes ces personnes pouvaient-être des ennemis potentiels. Elle craqua ses doigts de nombreuses fois sur le trajet, discrètement, pour ne pas alerter leurs interlocuteurs.
Enfin, quand Madhi se tourne vers elle, elle sent qu’il n’est plus le même, et qu’il devient tout à coup très sérieux.
“Sinon, t’en as pensé quoi, Eva ?”
Elle sourit.
“J’ai eu l’impression d’être plus utile ici qu’à la base. Et ça, c’est vraiment bien. Je reviendrai vous aider à l’occasion si tu veux, mais pas trop souvent. Lyana risquerait de m’en vouloir, je ne dois pas faiblir.”
Ses yeux brillent de sincérité. Cette journée peu ordinaire signifie beaucoup pour elle, plus que Madhi ne pourrait l’imaginer. Elle le salue une dernière fois avant de tourner les talons, direction la zone d’entraînement. Ou peut-être bien la douche, d’abord. La bouillie séchée promettait d’être pénible à retirer.
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Madhi saute en l’air en claquant ses talons l’un contre l’autre. Euphorique, il acquiesce grandement à ce qu’elle dit.
“Oh ça tu l’as dit, se sentir utile, quelle sensation agréable… Je serais plus que ravi que tu reviennes, je vais même être honnête, j’ai très envie que tu reviennes. On a rarement partagé des moments comme ça. C’est totalement différent de la vie de la caserne, et je n’ai pas trop eu l’occasion de te voir dans des évènements extérieurs, du genre les fêtes ou autres sorties. Ça m’a vraiment fait plaisir de te voir dans une autre situation.”
Madhi se rend compte à quel point il découvre sa pensée en même temps qu’il parle. Il voit Eva sous un tout nouveau jour, et il n’a pas envie de lui coller une étiquette comme il l’a souvent fait avec les gens. Pas au sens négatif, mais c’était trop restrictif, il y avait beaucoup à découvrir dans la personnalité d’Eva. Madhi était très intrigué, fasciné même, plus qu’à son habitude, alors qu’il l’était en permanence.
Soudain alors qu’elle tourne les talons, il lui attrape, le bras, en retirant vite fait sa main, pour éviter la clé de bras réflexe.
“Attends” il se gratte la tête un peu gêné “Est-ce que moi aussi je pourrais t’accompagner? Aux entraînements je veux dire… C’est sûr Lyanna m’en a déjà appris pas mal. Mais j’aimerais bien m’améliorer sur tous les arts martiaux défensifs, et de neutralisation. Ca te dirait? J’aime bien passer du temps avec toi, et peut-être que tu me tueras pas par inadvertance, je dis pas que c’est ce que fait Lyanna, mais je dis pas non plus que c’est pas ce qu’elle ne fait pas HAHA!”
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Evangéline s’arrête et fait volt face.
“Quand tu veux, mais j’espère que tu n’as pas peur de te lever tôt. Je t’apprendrai tout ce que je sais, mais ne t’attends pas à ce que je te fasse de cadeau : je ne t’en ferai pas.”
Petit sourire carnassier.